Virginie, éleveuse de sauterelles, décide de les nourrir avec de la viande pour booster la productivité de son exploitation. Les résultats sont époustouflants tandis que les insectes deviennent de plus en plus voraces.
« Consommons » : le cri de guerre de l’Homme moderne
Les exploitants agricoles ont la mortalité par suicide la plus élevée de toutes les catégories sociales. Un risque suicidaire qui résulte de difficultés économiques mais aussi des conditions de vie et de travail. De quoi nous alerter sur la situation de ceux qui nous donnent du riz, des pâtes, des légumes, ou en l’occurrence des sauterelles dans notre assiette. Une part de souffrance que le présent métrage s’approprie pour en dévoiler toutes les causes et conséquences.
D’emblée, le film déploie son regard sur la vie intime et professionnelle de Virginie Hebrard. On nous invite à vivre son train de vie quotidien pour constater qu’elle est à la lisière de la dépression à cause d’une vie difficile : mère célibataire de deux enfants, son exploitation éprouvante n’est pas suffisamment rentable malgré le temps d’entretien nécessaire à son développement. Virginie est souvent épuisée et ne nous est jamais sympathique, mais on reste admiratif au contact de cette femme qui cherche à produire potentiellement le seul apport en protéine de demain tout en restant écologique : les sauterelles. Parallèlement, le film enclenche alors la thématique récurrente sur la société de consommation mais aussi celle de l’attirance séduisante pour la production industrielle intensive.
L’intrigue reste majoritairement dramatique et émotionnelle, davantage même que son aspect horrifique. Les factures s’accumulent, les sauterelles ne se reproduisent pas assez, les consommateurs achètent le produit à un prix bien trop bas. Or, Virginie découvre que les sauterelles vivent mieux si elles se nourrissent de sang. A cet instant, La Nuée tisse un problème majeur de notre monde : pour produire plus, vivre et faire vivre ses enfants, Virginie est contrainte de renoncer à ses idéaux idéologiques. La planète a plus que jamais besoin que l’écologie soit au centre des attentions, mais la production industrielle néfaste devient le seul moyen efficace pour pérenniser son activité. Symbolique assez forte s’il en est, quand Virginie décide de nourrir les sauterelles avec son propre corps elle est alors autant dévorée par ses insectes que par la société de consommation qui réclame toujours plus toujours plus vite.
Une nuée très vorace
Assurément, La Nuée est un long-métrage comme il est trop rare d’en voir en France. C’est une véritable prouesse d’user du fantastique et de l’épouvante pour dépeindre les problèmes des métiers de nos campagnes. Un aspect horrifique particulièrement intéressant dans sa manière de développer un visuel viscéral entre la chair, le sang, et les insectes. Rien de plus étrange en effet qu’une nuée de sauterelles qui fonce pour dévorer un corps en quelques secondes.
Cette force de la nature rappelle sa place dans les dix plaies d'Égypte que Dieu inflige en exigeant que le Pharaon laisse partir les Hébreux qu'il maintenait en esclavage : « elles couvrirent la surface de toute la terre, et la terre fut dans l'obscurité ; elles dévorèrent toute l'herbe de la terre et tout le fruit des arbres, tout ce que la grêle avait laissé ; et il ne resta aucune verdure aux arbres ni à l'herbe des champs, dans tout le pays d'Égypte. »
Le présent métrage parvient d’ailleurs à faire des sauterelles des antagonistes très repoussants en pénétrant dans la serre pour voir de plus près l’apparence et le mode de vie de ces insectes. Une approche voyeuriste et quasi-documentaire qui rappelle les techniques du film Phase IV. Ce dernier traitait du cas des fourmis qui prenaient une nouvelle place dans la hiérarchie animale en surpassant notamment leurs prédateurs. Avec La Nuée, l’intention reste sensiblement la même, et l’Homme se voit être déclassé brutalement dans la chaîne alimentaire.
Conclusion :
Le film est très inspiré, particulièrement en mêlant l’horreur et le réel pour dépeindre les problèmes des métiers de nos campagnes tout en traitant admirablement la thématique sur la société de consommation. Certes, cet arc-narratif réduit la place accordée à l’épouvante, mais lorsque l’horreur frappe c’est toujours sans prévenir et d’une manière très brutale. La Nuée apparaît donc comme une digne production française à applaudir.
Bientôt, il n'y aura plus rien à bouffer,
vous êtes trop cons pour vous en apercevoir