Mi-drame familial, mi-conte horrifique, cette première réalisation de Just Philippot est surprenante et prouve que le genre made in France a plus d'un tour dans son sac ! Ancré dans un contexte on ne peut plus réaliste, La Nuée évoque les dérèglements de l'agriculture d'aujourd'hui et décrit avec quel déterminisme et sens du sacrifice ces hommes et ces femmes tiennent leur affaire. Une veuve, mère de deux enfants, s'est lancée dans la culture de sauterelles comestibles mais a beaucoup de mal à subvenir aux besoins de sa famille. Le fantastique gagne progressivement du terrain à partir de ce constat économique alarmant, laissant place à un déséquilibre relationnel et à une obsession effrayante. On assiste à la transformation de cette mère, à l'évolution de cette exploitation pas comme les autres et à la pression sociale qu'elle subit. La structure du film est très efficace car rien ne laisse entrevoir l'horreur dans son introduction. La mise en scène est sobre et mise sur un jeu quotidien et naturel. J'ai été saisi par la justesse des acteurs, qui apporte un côté très authentique à l'ensemble. Suliane Brahim est captivante, tout comme les deux enfants, Marie Narbonne et Raphaël Romand. Ils ne cèdent jamais à la facilité du genre en surjouant. L'atmosphère sonore est géniale, et inclue habilement les stridulations des sauterelles pour amplifier la notion de danger. Et c'est là que le cauchemar et la tension apparaissent, nous laissant toujours sur le qui-vive. Même si La Nuée opte pour une voie prévisible, elle n'en est pas moins pertinente, et incroyablement bien maitrisée. Pendant mon visionnage, j'ai repensé aux films de Carpenter, aux Oiseaux de Hitchcock, au monstre de Frankenstein mais aussi à la huitième plaie d'Egypte... Les références sont nombreuses mais ça n'empêche pas à Just Philippot de créer sa propre histoire, sa propre chronique agricole pour confronter le public aux névroses destructrices de l'humain. La proposition de ce nouveau cinéma d'épouvante est dingue car elle inclut des nouvelles menaces tout en s'alignant à des angoisses universelles comme la précarité, la rentabilité, la responsabilité familiale.