La nuit a dévoré le monde est un film esthétique qui renouvelle le genre du cinéma d'horreur. L'ambiance funeste d'un Paris post-apocalyptique rempli de zombies désincarnés est très réussie. Les prises de vue sont originales et les intérieurs des appartements haussmanniens sont reconstitués d'une manière fidèle à la réalité. On pénètre chez les gens comme si on entrait chez ses propres voisins.
La menace ininterrompue des zombies permet d'être tenu en haleine. Le réalisateur en profite également pour donner au spectateur l'opportunité de s'identifier au héros traqué, qui tente courageusement de s'en sortir dans un monde qui court à sa perte. On observe avec intérêt ses efforts ingénieux sur le rationnement de la nourriture et le maintien de sa condition physique, dans un seul but : survivre. Au fur et à mesure, on assiste à la recomposition post-traumatique d'une routine rassurante ainsi qu'à la transformation physique du personnage principal. En 2018, les survivants se rasent la barbe :).
Alors que l'instinct de survie du héros est très fort, il n'empêche pas pour autant le réalisateur d'aborder la question du suicide (voisins) : doit-on survivre à tout prix dans un monde sans issue ou doit-on privilégier un hara-kiri salvateur?
La réussite du film tient au fait qu'il permet de revenir aux sources de l'humanité et de mettre en lumière ce qui est constitutif de l'identité d'homo sapiens : construction de repères temporels (croix sur les fenêtres), pratique de l'art (musiques), enterrement des morts avec dignité et besoin de lien (chat, survivante, zombie de l'ascenseur).
La réalisation minimaliste et épurée renforce l'ambiance menaçante du film. Cette atmosphère anxiogène est adoucie par intermittence grâce à des touches d'humour bienvenues qui permettent au spectateur de reprendre son souffle. On peut ainsi éprouver un sentiment qui confère à de la sympathie pour le "zombie apprivoisé" de l'ascenseur #Renard #PetitPrince. Un compagnon de circonstance, à l'image du Wilson de Tom Hanks dans Seul au monde.
Si certaines scènes tournent quelque peu en rond sur la dernière partie, le film est néanmoins un bel objet qui interroge notre humanité et notre instinct de survie.