Quelques jours après le crash d’un avion dans ses environs, la petite ville d’Evans City, Pennsylvanie, est sujette à des évènements étranges. Tout commence par un homme qui tue sa femme, avant de foutre le feu à sa maison, sans aucunes raisons, et sous le regard terrorisé de ses deux enfants. Une attitude qui interpelle forcément les autorités.


Sans plus attendre, l’armée arrive directe dans le game, se met à confiner tout le monde avec brutalité, sans plus d’explication, parce que vous comprenez, le secret défense tout ça… L’avion qui s’est écrasé transportait en fait les souches d’un virus très dangereux, une arme biologique sans vaccin, tuant en seulement quelques heures quiconque se retrouve infecter. Ou fait sombrer ses malheureuses victimes dans une folie furieuse, traduite par des pulsions meurtrières particulièrement violentes.


Sur un rythme effréné, George A. Romero plonge directement les spectateur.ices au cœur de l’intrigue. Le récit se décline alors en plusieurs strates :


_ L’intrusion brusque des soldats qui rassemblent tous les habitants de la ville au même endroit.


_ Les officiers qui essayent de gérer un merdier pas possible, sur lequel ils n’ont aucun contrôle, autre que de façade.


_ Un scientifique travaillant sur la souche, amené dans la ville pour trouver rapidement un antidote.


_ les habitants qui sombrent tous peu à peu dans une folie généralisée.


_ Un groupe de 5 personnes qui cherchent à s’échapper de la zone de confinement.


Sur le mode du cinéma-vérité si cher à George A. Romero, c’est avec réalisme, le point fort du cinéma des seventies, qu’est abordé ce sujet complexe, assez proche d’une des précédentes réalisations du réalisateur, qu’est ‘’The Night of the iving Dead’’. Le film peut ainsi être lu comme une variation ‘’plausible’’ de l’invasion des morts-vivants, remplacés par les victimes d’une arme chimique militaire.


Ce qui intéresse le cinéaste est clairement de démontrer avec quelle niveau d’incompétence l’institution, représenté ici par un état-major et un Président des États-Unis of America, complètement à la masse face à une crise qu’ils ont eux-mêmes crée. Et qui c’est qui paye pour leur incompétence ? Et bien les civiles. Le peuple est ainsi balancé aux premières lignes.


Œuvre particulièrement anti-fédérale s’il en est, ‘’The Crazies’’ se fait la voix d’une Amérique rurale oubliée, dont le quotidien est à des lieux des problématiques du pays en 1973. Cette fameuse majorité silencieuse. Car il est important d’avoir en tête qu’au même moment le Watergate est sur le point d’éclater, les mensonges gouvernementaux sur le point d’être révélés, tout comme l’usage d’armes chimiques au Vietnam, et les bombardements illégaux au Laos et au Cambodge.


C’est de cette Amérique qu’il s’agit, et elle est incarné dans le film par David, un vétéran du Vietnam, qui refuse l’impuissance autoritaire d’une armée outrepassant totalement son pouvoir. Une séquence montre d’ailleurs l’opposition du maire de la ville, face au méthodes martiales du Major en charge de l’opération. Ce qui aboutit à la mort plus ou moins accidentel d’un officier de police. L’armée règne ainsi en maitre, au mépris total de l’habeas corpus. Alors, qu’encore une fois, l’erreur vient d’elle. Mais ce sont des innocents qui payent, et en masse.


L’objectif des autorités incompétentes est que si le virus ne parvient pas à rester confiné, si aucun vaccin n’est trouvé dans les 24 heures, il est nécessaire de faire sauter la ville. Une bombe nucléaire peut faire croire à un accident. Ce scénario est proposé par une parodie d’autorité, complétement à la ramasse, des scientifiques à la rue, des soldats enchainant bavures sur bavures, et par un président qui est le seul à pouvoir valider le fait d’utiliser une arme nucléaire sur le sol américain contre ses propres citoyens.


Le réalisme de ‘’The Crazies’’ fait froid dans le dos, et la description méticuleuse de chaque élément du processus qui se met en place, qui n’est qu’une accumulation d’échec par des incompétents qui ne savent pas ce qu’ils font, révèle au-delà de l’œuvre une réalité qui exprime l’absurdité des niveaux de la chaine de commande. Mais aussi l’échec de l’Institution, incapable de protéger ses citoyens, qui victimes après victimes trucident une bonne partie des soldats.


Ces derniers, dans leurs combinaisons blanches, avec leurs masques à gaz et leurs armes, sont identiques. Ils représentent un corps génériques, comparables aux morts-vivants de 1968. Bien que la menace est censée venir des infectés, le tour de force de Romero est d’inverser la réelle menace. Les dangereux sont ceux par qui tout a commencé : l’Armée.


Puis le film ralentit un petit peu sa cadence, la frénésie des 45 premières minutes redescend un peu, laissant le temps de réaliser l’ampleur de la situation, à travers le prisme de 5 survivants, qui cherchent à fuir la ville. Une empathie se créé naturellement avec eux, ce qui est renforcé par le fait que le virus fini par les atteindre. Comme si personne ne pouvait échapper à ce fléau, qui touche au hasard, et sans différenciation de statut social.


Seventies obligent, le métrage se termine sur un ton plus que pessimiste, à l’aide d’une fin ouverte finale caustique, qui dynamite tous le récit présenté par le film. Il est ici à voir l’héritage de la contre-culture des années 60-70, d’un cinéaste contestataire, qui n’hésite aucunement à pointer du doigt la gestion douteuse d’un pays où les politiciens ont complétement perdu tout sens du quotidien.
George A. Romero propose ainsi une œuvre radicale, plus aboutie, en un sens, que son premier film, ‘’The Night of the Living Dead’’, de par la manière avec laquelle il présente une humanité qui peut basculer dans l’horreur la plus pure en l’espace de quelques heures. Et ce, à cause la faillite d’institutions censées garantir la sécurité de la nation.


Contemporain du conflit, les ponts avec le Vietnam sont ainsi très nombreux, au-delà de David, c’est dans la représentation de la violence à l’écran, qui si elle est moins gore que l’anthropophagie présenté en 1968, reste particulièrement sanglante. Usant d’un jusqu’au-boutisme qui empreinte la moindre piste afin de proposer une réflexion complexe et construite, sur le rôle réel des gouvernements face aux populations civiles.


Pêchant d’un orgueil mal placée, l’armée est traduite par un fort sentiment de fierté et de vanité de la part des officiers, ce qui fait de ‘’The Crazies’’ une œuvre forte, au-delà de la représentation de son époque. Car même si elle a un peu vieilli formellement, le message est toujours d’actualité, et ce qui se produit dans le film ne serait en rien étonnant si cela se produisait aujourd’hui.


Au vu de l’incompétence que certains gouvernements occidentaux ont fait preuve face à la crise du Coronavirus, peu prit au sérieux dans les premiers instants. Face à une sacro-sainte loi du marché Il en va de la responsabilité des gouvernements de gérer ce type de crise, au bénéfice des citoyens confinés, ‘’The Crazies’’ fait tout de suite écho à notre actualité brûlante, avec une vision acérée qui en 2020, comme en 1973 répond aux mêmes problématiques. Ce qui bien entendu à quelque chose de terrifiant, révélant une réalité à laquelle nous sommes tous confrontés.


Mais dans la réalité, atomiser les foyers d’infections n’est bien entendu par d’actualité. C’est l principe même de la satire que d’extrapoler les comportements au maximum, afin d’y déceler un message cru et virulent. ‘’The Crazies’’ est ainsi une œuvre de fiction, servant avant tout de divertissement, ce qui ne l’empêche pas d’être intelligente pour autant. Il y a des enseignements à tirer de ce genre de spectacle, qui véhiculent des thématiques importantes, et surtout universelles. Mais qui ne sont visiblement pas prisent en compte. Comme bien souvent dans de bien trop nombreuses œuvre cinématographiques oubliées ou datées. Et pourtant le film est là, y’a juste à le prendre, le regarder, et en tirer des leçons. Rien de bien compliqué.


-Stork._

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le 17 mars 2020

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