Dans la bande annonce il y a cet échange entre le capitaine incarné par Bastien Bouillon et la juge : « ça vous dévore » ; cette réplique arrive un peu tard dans le film et pourtant elle le résume si bien. La nuit du 12 est un film captivant tant par ses décors magnétiques et son ambiance crépusculaire par son enquête acharnée et minutieuse mais malheureusement sans résultat. Ce lent piétinement agit comme un poison qui va transformer les enquêteurs ; par manque d'indices mais aussi par un manque de moyens criants et l’incompréhension face à la nonchalance voire à l'indifférence que suscite l'assassinat cruel de Clara auprès de ceux qu’elle a côtoyé.
À travers ce film, Dominik Moll détails de manière assez scrupuleuse le long travail de la police, travail indispensable et fastidieux, souvent invisible comme les enquêtes de voisinage et la bureaucratie. C’est également un état des lieux sur les relations homme-femme d’une part et les écarts générationnels d’autre part, fossés qui ne cessent de s’agrandir dans un film qui constate d’un air désabusé.
Le réalisateur met en scène un groupe uni mais au bord de l’éclatement, des flics parfois bourrus et brusques qui ne prennent pas de pincettes, et parfois d'une sensiblerie là où on ne l'attendait pas. De ce point de vue Bouli Lanners est très fort en vieux briscard au grand cœur qui ne supporte plus l'attitude des suspects, leur désinvolture qui frise le sentiment d'impunité. Bastien Bouillon offre une prestation de rage contenue sous des airs discrets, toujours sous contrôle au point de se consumer de l’intérieur.
La nuit du 12 c'est également une photographie impressionnante, dure, qui nous immerge vraiment dans ces ambiances de montagne où la réverbération est si forte que les couleurs sont presque brûlées. Dans ce paysage, les policiers vêtus sombrement contrastent et avalent la lumière. Le film tire sa force de sa recherche d'une certaine authenticité dans le quotidien de la police, mais aussi un bon équilibre du rythme, où des scènes d’humour viennent relâcher la pression en sonnant justes et spontanées.
C’est une enquête qui fascine par sa banalité et sa tristesse autant que par son ambiance, prenante de bout en bout. On espère toujours une résolution que l’on sait impossible (car annoncée non-résolue dès le début). Le film se finit sur une ouverture, un renouveau sous forme de fleur, de nouvelle juge, de nouveaux collègues ou d’une échappée en piste libre, dans les hauteurs des montagnes. Une image positive comme pour souligner l’importance de s’accrocher.