Film de fiction inspiré de faits réels, La nuit du 12 nous présente l’enquête, menée par une équipe de la PJ de Grenoble, qui suit l’assassinat sordide de Clara, 21 ans, brûlée vive au retour d’une soirée entre amies. 

La réussite du film tient à sa façon de placer le spectateur en enquêteur à part entière qui découvre chaque suspect en même temps que les enquêteurs du film et qui, par la justesse de ton des interrogatoires, se prend au jeu du soupçon et subit la difficulté d’échapper au jugement moral. Ce procédé permet une empathie du spectateur envers les enquêteurs, dont on éprouve les doutes et les peines, mais surtout la descente aux enfers à mesure que l'enquête n'avance pas. Tous enquêteurs mais aussi tous suspects, comme le laisse entendre face à la juge le personnage joué par Bastien Bouillon, remarquable dans ce rôle de flic taiseux, dans ce qui est malheureusement une des rares ouvertures intéressantes du film.

Le film est par ailleurs plombé par une certaine balourdise, dans la mise en scène comme dans les dialogues. La scène d’annonce de la mort de Clara à sa mère, qui par ailleurs est remarquable dans la justesse du ton à son début, est gâché par le fait que l’élément clé (l’impossibilité pour Yohan de s’exprimer) est annoncé par la discussion devant le portail entre les enquêteurs, puis discuté plus tard avec Marceau dans la chambre. Curieuse volonté de vouloir tout expliciter dans un film sur une enquête irrésolue. On pense aussi à ces nombreuses scènes dans le vélodrome, où Yohan roule à chaque fois un peu plus vite et avec l’air un peu plus énervé, dans un accoutrement digne d’une pub Decathlon, avant la délivrance finale où la sérénité est revenue. Enfin, de trop nombreux dialogues sonnent faux, soit mal écrits soit trop écrits, le rôle incombant à Bouli Lanners de nous asséner des boutades comme « On combat le Mal en rédigeant des rapports », aveu d’un film qui semble attribuer aux dialogues un pouvoir seulement illustratif, tant de nombreuses scènes nous laissent voir cette bureaucratie à l’œuvre. Ce pouvoir illustratif des dialogues est également omniprésent pour ce qui est des « relations homme-femme », enjeu majeur du film qui donne lieu à des échanges d’une confondante platitude.

Un film avec des qualités certaines, mais dont le principal défaut est de ne pas faire le pari de l’intelligence du spectateur, au risque de perdre la sienne.

Gabagool
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le 14 juil. 2022

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Gabagool

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