Comme beaucoup, j’avais laissé Dominik Moll il y a bien bien longtemps, pas par choix cependant. Et après de multiples RDV ratés avec La Nuit du 12 l’été dernier, ces Césars m’ont poussé à forcer le destin.
Dans une station de montagne, une jeune femme est brûlée vive. La PJ de Grenoble est chargée de l’enquête. Celle-ci sera longue, difficile, éprouvante.
Ça commence fort et c’est peu dire. Et la tension ne redescendra pas. Pour un peu, ce climat tendu pourrait rappeler Fincher ce qui ne serait pas surprenant quand on sait que le réalisateur américain et Dominik Moll ont en commun un vif intérêt pour l’œuvre de Hitchcock. Et comme chez le maître, le mystère est ici entretenu savamment. Mais au-delà du thriller efficace, il y a aussi une dimension sociétale évidente. C’est un film d’aujourd’hui qui traite des violences que subissent les femmes et de ce qu’on appelle maintenant les féminicides. C’est une des forces du film que de montrer sans gros sabots la réalité du phénomène, par l’exemple. Moll, Marchand et Guéna tentent de déconstruire la réflexion autour du meurtre d’une femme, expliquant comment les uns ont facilement tendance à juger la victime autant que le coupable pour trouver une explication plausible. Plausible dans une tête d’homme. C’est l’homme qui tue, c’est l’homme qui juge. Car ici, la question de point de vue est importante et la confrontation avec les amies de la victimes et avec les suspects mâles aide à comprendre comment cette violence est perçue comme banale. Et finalement, le traitement de la question par la société semble être une autre forme de violence. Un deuxième acte de violence à l’encontre de la femme victime. Par chance, les personnages sont finement écrits et à aucun moment ils ne paraissent reposer sur des clichés éculés. Par chance aussi, le décor est réaliste. Ni l’idyllique quartier bourgeois parisien à la décadence chabrolienne, ni la zone de non-droit dans laquelle il est facile de mettre en scène la déviance pour mieux s’en laver les mains. Non. C’est ici, dans ta rue. Cette femme est ta voisine et son meurtrier pourrait être le gentil gars que tu viens de croiser à la boulangerie. Par chance enfin, toutes ces réflexions ne prennent jamais le pas sur l’intrigue et ne viennent jamais dire que cette histoire est un prétexte. A la mise en scène, la sobriété est de mise mais on perçoit très bien la lumière du lieu et le poids du minéral ambiant. Les plans serrés enferment chacun de ces flics dans des songes qui les rongent.
En clair, une véritable réussite sur tous les plans. Un grand polar. Un grand film sociétal. Un moment fort. Tout à fait conseillé donc.