Le dragon baryton posé sur son canasson flâne à l'horizon, il chante une comptine macabre. Ce n'est qu'une ombre sur un fil, un funambule qu'on aimerait voir tomber. Avalés dans les limbes, lui, sa monture et son chant avarié.
Il est la menace qui plane et tourne, un peu comme le font ces oiseaux affreux qu'on appelle les vautours. Tendu par un fil invisible, élastique, il approche, ne s'éloigne jamais vraiment.
Sa complainte le précède, elle résonne comme une épitaphe. L'imposante tache qui l'accompagne se répand. C'est l'ombre d'un ogre, qui percole et souille les âmes, elle capture jusqu'au vent. C'est une toile d'araignée qu'il a tricotée.
La chatouille de la larme qui perle sur ma joue ne l'arrêtera pas. Il camoufle le laid mais je ne suis pas dupe, c'est écrit sur ses poings. J'imagine que maman est une sirène maintenant qu'il l'a laissée dans la rivière. Il est plus grand que moi, c'est un géant et je suis un enfant.
Je n'ai pas peur. Si je tremble c'est qu'il fait froid, quand on est au bord de la nuit éternelle.
Il est là, tout proche. Je sens son souffle. Souffre rance. Le dragon avance.
Il susurre sa chanson de miel, elle dit qu'il n'est pas le diable, qu'il est juste un homme. Et je devrais le croire.
Je me terre dans un trou, ma main sur la bouche de ma petite sœur pour qu'aucun son ne s'échappe.
S'il y avait un Dieu, Il abattrait son doigt vengeur sur ce scélérat, ce tueur de femmes. S'il y avait un Dieu, Il ne nous aurait pas abandonnés