15 ans après l'indépendance du pays, 1958 est une année particulièrement violente au Liban entre les différentes factions, avec intervention américaine à la clé. C'est au cœur de cet été, loin des combats de Beyrouth, que se situe La nuit du verre d'eau, le premier long-métrage de Carlos Chahine, au sein d'une famille chrétienne aisée. En apparence, tout va bien, la fille aînée est mariée et mère d'un petit garçon et elle entretient une relation étroite avec ses deux sœurs en âge de convoler. Le film adopte assez souvent le regard de l'enfant qui entend tout, à défaut de comprendre qu'une révolution féminine est en marche, à l"encontre du patriarcat dominant. Le trait majeur de La nuit du verre d'eau est son élégance qui rend grâce à la beauté des paysages libanais et à la beauté rebelle de ses héroïnes. Le film n'hésite pas à adopter des manières de roman-photo pour marquer l'émancipation en marche de jeunes femmes au destin trop prévisible. Ce côté sentimental et candide, revendiqué, constitue à la fois l'attrait et les limites d'un récit où la forme trop léchée distrait parfois de son fond, au point de trouver un peu forcé l'évolution psychologique de ses personnages avec une scène finale qui, bien qu'ouverte, laisse entrevoir un dénouement en grande partie inexplicable. Que des louanges à faire, en revanche, pour l'ensemble de l'interprétation (Nathalie Baye et Pierre Rochefort sont de la partie) avec une mention particulière pour la splendide et talentueuse Marilyne Naaman.