Quelle belle idée de faire d’une amnésique l’héroïne d’une comédie légère plutôt que d’un thriller comme c’est souvent le cas avec ce type de postulat. « La page blanche » est certes adapté de la bande dessinée de Pénélope Bagieu et Boulet par Murielle Magellan, dont c’est le premier film de cinéma, mais il sied parfaitement au septième art et le passage de la bulle à l’écran se fait en toute simplicité et avec une belle évidence. Surtout que cette amnésie est un beau prétexte pour notre héroïne de gommer tous les conditionnements possibles et de se réinventer tout en s’épanouissant différemment. Un déficit de mémoire en forme de purge ou de vidange de l’esprit pour se débarrasser des apprentissages passés inutiles, des mauvaises fréquentations ou encore des automatismes de comportement nocifs et superficiels. En cela, ce joli long-métrage est une fable sur nos vies et s’avère bien plus profond que de prime abord.
Quelle belle autre idée que de confier le rôle principal à la douce Sara Giraudeau et son timbre de voix si singulier qui la préfigurait à se limiter à des rôles comiques et qui nous a prouvé plus que le contraire depuis, de « Petit paysan » au récent « Le Sixième enfant ». Dans ce rôle de jeune fille qui a perdu la notion de qui elle était et qui part à la recherche de sa vie, elle est tout bonnement parfaite. C’est rare à évoquer mais elle semblait faite pour ce rôle et il est même difficile d’imaginer quelqu’un d’autre à sa place. Tantôt drôle et tantôt émouvante, tantôt fragile et tantôt forte et déterminée (l’inénarrable séquence du restaurant), tantôt perdue et tantôt malicieuse, elle irradie l’écran de sa présence lunaire qui colle parfaitement à la tonalité de « La page blanche ».
Enfin quelle bonne idée que de situer l’action du film dans les quartiers bobos de Paris en été, un Paris qui a rarement été filmé de la sorte. On se croirait dans « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain » mais sans le côté fantasmé et irréaliste. Si la caméra de Murielle Magellan n’invente rien, elle se pernet tout de même des petites fantaisies de mise en scène au sein même de la fantaisie qu’est son film. On pense notamment aux inserts en animation tout à fait de rigueur pour figurer l’imagination de l’héroïne. Et puis, il y a vraiment pas mal de moments drôles, légèrement décalés mais pas trop. On rit donc à plusieurs reprises et on est touché lorsque notre amnésique retrouve la mémoire. Dommage que, lors de la dernière ligne droite, cela patine un peu et s’étire pour rien jusqu’à une dernière scène qui clôt tout cela en beauté. Une petite douceur délicieusement légère.
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