Contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, même si ce film a des qualités, ce n'est pas le meilleur de Ken Loach. Le spectateur est immédiatement pris par l'atmosphère et les personnages. La tension y est palpable à certains moments. Et le film ne manque pas d'humour. Mais il manque singulièrement de crédibilité à certains moments pour prétendre au rang de chef d'œuvre.
Le scénario concocté par Paul Lagerty, le complice de toujours de Ken Loach est efficace. On découvre le jeune Robbie qui sort de prison et doit faire face à des agissements violents qui le poursuivent encore et encore. Sa copine Leonie est enceinte. Ils voudraient commencer une nouvelle vie (rangée) à trois. Mais de vieux contentieux poursuivent Robbie. Il est catalogué et certains veulent lui régler son compte. Les scènes d'intimidation et de violence sont très réalistes.
La famille de Leonie connaît tout cela et voudrait le mettre définitivement à l'écart. Mais la fibre paternelle de Robie est trop forte. Il est condamné à pas mal d'heures de travaux d'intérêts généraux qu'il va assumer en compagnie d'un groupe de paumés du même genre que lui. Ces paumés sont encadrés par un éducateur au grand cœur et amateur de whisky.
L'éducateur propose à ces paumés de l'accompagner à une dégustation. Voilà nos paumés introduits dans un monde qui leur donne des idées. Ils côtoient des gens qui sont prêts à payer très cher pour un fût de whisky d'une grande rareté. Il y a de l'argent à se faire quand on est malin.
Or, les 4 zigotos embarqués dans cette histoire se sentent assez malins pour réussir un coup fumant. Surtout que Robbie est devenu un expert en matière de whisky, au point de commencer à se faire des relations dans le milieu.
L'idée de mêler le monde des amateurs de whisky avec de jeunes délinquants surprend. Ken Loach se serait-il embourgeoisé ? Pourtant, quand on voit les scènes de violence entre délinquants et la tentative « d'achat » du père de Leonie, on se dit que c'est du Ken Loach tout craché. De même quand on voit Robbie et ses copains réfléchir à la mise au point de leur arnaque entre eux. Que l'un d'eux se demande qui sont Mona Lisa et Albert Einstein montre bien l'absence de connaissances. De même quand il demande pourquoi le château d'Edinbourg est bêtement sur une hauteur. Le spectateur s'en amuse de bon cœur. Par contre, ça ne colle pas trop avec la soudaine appréciation du whisky en expert par Robbie. Ken Loach s'en tire avec finesse en se moquant gentiment des amateurs de whisky (dont lui-même et Paul Lagerty font probablement partie) en montrant que celui qui dépense plus d'un million de livres pour le précieux fût rare peut se délecter d'un liquide anodin. Quant à l'éducateur, son nez lui permet de reconnaître le meilleur whisky pourtant dans une bouteille de soda.
Le cinéma de qualité est capable de nous faire croire aux situations les plus improbables. On imagine ainsi que les acteurs ont tous ingurgité du sirop de citron plutôt que du whisky. Le film nous montre l'irruption de quelques zigotos qui ne doutent de rien dans un monde qui leur est étranger. On y croit le temps d'un film sympathique. Mais, il y a gros à parier que les amateurs de whisky qui ont les moyens de s'offrir les bouteilles les plus chères trouveront Ken Loach un peu naïf sur ce coup.
Electron
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le 8 juil. 2012

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Electron

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