Dans un film âpre et grave, à l’écriture radicale et dense Matthias Glasner dissèque avec une franchise culottée les violences de la déchéance et les névroses familiales.
Inspiré de sa propre autobiographie, dédié à sa famille -les vivants comme les morts-, le titre original du film allemand donne le ton raide et dingue de cette épopée familiale : Streben( Mourir)
Matthias Glasner ne nous épargne rien des vicissitudes et délabrements de ses personnages: un père atteint de démence qui erre à moitié nu entre la rue et chez lui, sa femme la mère atteinte de plusieurs cancers, Tom leur fils chef d’orchestre plongé dans le maelström de sa Première et l'accouchement de son ex-femme, Ellen la sœur dangereusement alcoolique et amoureuse de son collaborateur un dentiste marié.
Or par un don précis des situations surprenant dans la véhémence de leur douleur, le cinéaste nous plonge à la pointe aiguë de ces êtres difficiles, sans voyeurisme et presque sans tristesse. Avec le calme et la stabilité d’un observateur incisif et blessé le cinéaste se donne pour tâche de commémorer sa famille d' un regard de face net, cru et humain.
Dès la première scène saisissant la mère tombée à terre, le père errant, la voisine qui veut les aider, l’intensité de point de vue et de situation sont telles qu’on est happés par le vertige des pulsions de mort à l’œuvre.
Le personnage cristallisateur et sorte de ligne claire du cran et de l’audace du film c’est Bernard le compositeur neurasthénique( de la musique Streben orchestrée par Tom) à la tête de Nietzsche, à la fois insupportable dans son intransigeance et brûlant dans sa mélancolie noire.
Le film en dépit de sa sévérité et gravité va tellement loin dans les décrochages scénaristiques qu’il réussit à n’être jamais( sauf sa durée ) moribond ni sinistre. Toujours plutôt nerveusement vivant, sanguin et équilibré, froid et profond.
"Dieu est mort "et Glasner travaille le sang du tragique, l’extase déchue des enivrements, la musique stridente et extrême de l’abîme.
Nous sommes proche d’Haneke pour les sujets pas pour la mise en scène plus statique, plus télévisuelle.
Nous sommes en proximité avec Fanny et Alexandre au vif des maladies des familles, dans l’horreur réconciliée et lente du vivre et du mourir . Un tel objet cinématographique est suffisamment rare pour saluer "sa ligne rouge".