La Passion de Dodin-Bouffant ou comment mettre en scène l'art de la cuisine

Couronné du Prix de la mise en scène du Festival de Cannes, Tran Anh Hung, réalisateur de L’Odeur de la Papaye verte, qui parlait déjà de cuisine, propose un film contemplatif d’une minutie incroyable.  Bien que l’oeuvre, (mal) traduite comme The Pot-au-feu en américain (le film représente la France aux Oscars), ne parle pas de cuisine mais plutôt de l’amour qu’elle traduit. L’artiste choisit d’adapter une partie du livre La Vie et la Passion de Dodin Bouffant de Marcel Rouff, en se concentrant sur son idylle amoureuse et là naît toute une métaphore filée qui revient aux origines de la cuisine : le don, l’échange, la communication, le plaisir, le tout avec une pudeur admirable. Tout est dit dans la scène d’ouverture - Benoît Magimel et Juliette Binoche préparent, avec une précision absolue, une complémentarité unique et une coordination méthodique proche de la perfection, un repas pendant toute une journée. La caméra met au centre du cadre et suit les ingrédients avec une fluidité unique et l’acte de cuisiner en devient spectaculaire : là réside toute la force du film supervisé par le chef Pierre Gagnaire. Tant le travail de Jonathan Ricquebourt (La mort de Louis XIV, Earwig) sur la photographie que le son (enregistrés en direct et renforcé par un travail sur le bruitage) nous font ressentir le crépitements, la vapeur, les goûts... Techniquement, tout est magnifique,  car sensoriel, et pourtant quelques points négatifs persistent : si l’idée était de montrer que, à l’image de la réalisation d’un film, la réalisation d’un plat-d’un menu devait être lent, pensé et étudié, l’oeuvre est parfois répétitive. Certaines images sont un peu trop appuyées (cf. printemps de la vie - transmission avec l’axe narratif de la petite fille) et la métaphore bien trop explicite au fil des minutes (montage et transition entre une poire et les fesses de Juliette Binoche est tout simplement déconcertante). On retiendra néanmoins le travail sur la luminosité qui permet de voir le temps qui passe, et on oublira les dialogues très mal écrits : pourquoi donc ne pas avoir fait un film muet?

Cinescreening
6
Écrit par

Créée

le 13 nov. 2023

Critique lue 54 fois

Cinescreening

Écrit par

Critique lue 54 fois

D'autres avis sur La Passion de Dodin Bouffant

La Passion de Dodin Bouffant
Plume231
6

Chair et Chère !

Après avoir lu le résumé de l'intrigue de départ de ce film, je craignais que cela ne soit qu'une pâle resucée du Festin de Babette, avec ce diner fastueux que l'on doit servir à un prince et qui...

le 9 nov. 2023

23 j'aime

5

La Passion de Dodin Bouffant
Fleming
5

Bien peu passionnant

Ça se passe à quelle période ? XIXème siècle ? Début XXème ? J'ai eu du mal à situer l'intrigue dans le temps. Eugénie (Juliette Binoche), aidée de Violette et bientôt Pauline, deux servantes ou...

le 11 nov. 2023

22 j'aime

15

La Passion de Dodin Bouffant
dosvel
9

Quand La Cuisine Devient Peinture et Poésie

𝐿𝑎 𝑃𝑎𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝐷𝑜𝑑𝑖𝑛 𝐵𝑜𝑢𝑓𝑓𝑎𝑛𝑡 de Tran Anh Hung s’impose comme une œuvre d’une finesse rare, où chaque plan est soigneusement composé comme une toile de maître. La caméra,...

le 20 sept. 2024

20 j'aime

Du même critique

The Killer
Cinescreening
8

Fincher casse (encore) le cinéma en désynchronisant son et image

2e long-métrage de Fincher, The Killer est sorti, comme Mank, sur Netflix, le réalisateur étant sous contrat avec la plateforme depuis qu’il se voit refuser le final-cut par les studios...

le 18 nov. 2023

Le Règne animal
Cinescreening
9

Vers un règne du film de genre dans le cinéma français?

Vraie fable contemporaine, Le Règne animal, présenté à Cannes en mai dernier dans la sélection Un Certain Regard, est une film fantastique, universel mais aussi de “genre”aux allures de...

le 13 nov. 2023

Second Tour
Cinescreening
3

Second Tour, un film de second plan dans l'oeuvre du radical Albert Dupontel?

Pourtant totalement adepte voire inconditionnelle tous les films punk du radical Albert Dupontel (Adieu les Cons multi-récompensé aux César, Au revoir là-haut, Bernie, Enfermé dehors...), je dois...

le 13 nov. 2023