Dans ce film, le fils du facteur, qui jouait le rôle d'entremetteur entre Vincent et Théo, se met en quête d'élucider la mort de Van Gogh, afin de remettre sa dernière lettre en de bonnes mains. Dans sa longue recherche, il tente non seulement de résoudre une énigme, dont la solution est connue d'avance, mais aussi de ressusciter le peintre. Notre personnage, aux traits trop hollywoodiens pour être crédibles, tout comme les dents blanchies de Tomlinson, effectue le même travail minutieux de thaumaturge que les artistes dans la réalisation des dessins. Tous ensemble ils s'attellent à la tâche inutile et désespérée de récapituler la vie et l'œuvre de Van Gogh.
Artaud avait brillamment montré à quel point la société avait pu condamner l'artiste pour les tares qu'il révélait en elle (Le suicidé de la société). Mais, alors qu'Artaud blâmait la psychiatrie pour son mauvais traitement, en s'identifiant à Van Gogh, notre inspecteur reprend la thèse du meurtre, souvent défendue et jamais retenue. Il est probable que cette position scandaleuse cherche à masquer la vanité du propos, à l'instar de la virtuosité des dessins. C'est un procédé commun que de dissimuler l'absence de fin dans le luxe des moyens.
Artaud faisait peser le poids de la faute sur l'infrastructure, mais l'avortement attendu de l'enquête nous renvoie ici à la contemplation de la vie et des images. Toutefois, tout comme il est évidemment absurde d'essayer de ressusciter un homme, il est intrinsèquement impossible de faire de la peinture avec du cinéma, et de toute manière pas du Van Gogh. Avec tant d'énergie dépensée au travail pour une cause perdue d'avance, ce film voue fatalement le cinéma au suicide.