La comédie est le genre qui vieillit le plus rapidement, c'est entendu, mais certaines d'entre elles sont tout de même parvenues à traverser les âges, grâce à leur qualité d'écriture, leur humour intemporel et leur rythme comique.
Or ce dernier ingrédient primordial semble avoir été complètement ignoré par le réalisateur Claude Boissol, qui signe un film dénué du moindre rythme, jalonné de silences embarrassants entre chaque scène drolatique. C'est en effet un choix étrange que de ne s'appuyer sur aucune musique pour accélérer le tempo ou souligner les gags.
Pourtant la bande originale de "La peau de l'ours" est restée particulièrement célèbre, puisqu'il s'agit d'"Arsenic Blues", le titre qui deviendra quelques années plus tard le générique de l'illustre série "Les cinq dernières minutes". Mais cette musique lancinante n'est utilisée pratiquement qu'au cours des génériques de début et de fin.
D'autre part, le scénario repose intégralement sur le comportement absurde du père de famille qui soupçonne son entourage de l'empoisonner - ou disons sur son incapacité profonde à communiquer. En effet, l'intrigue deviendrait instantanément caduque si le héros posait simplement la question à ses proches, ou s'il acceptait l'aide de ses collègues policiers.
On pourra certes y voir une critique du paternalisme sourd et aveugle encore omniprésent dans la société française des années 50, et de la fierté mal placée du pater familias.
D'ailleurs "La peau de l'ours" constitue un document intéressant sur les mœurs bourgeoises de l'époque ; mais c'est à peu près son seul intérêt, puisque la dimension policière se révèle largement prévisible (dans ses grandes lignes) et l'aspect comique à peu près insignifiant.
C'est d'autant plus regrettable que le film bénéficie d'une distribution de qualité, certes dominée par un Jean Richard emprunté, au sein de laquelle on remarque les jolis minois de Nicole Courcel et Sophie Daumier, le métier de Denise Grey et Noël Roquevert, et les premiers pas des très jeunes Jacques Perrin et Jean-Pierre Cassel.