François Truffaut appréciait beaucoup le travail d'Alfred Hitchock et il lui a consacré un livre aujourd'hui célèbre. Il est certain que le travail du maître du suspens a influencé le cinéaste de la Nouvelle Vague, et La Peau douce est un des exemples les plus frappants.
En effet, le montage très rapide de ce film donne un côté pêchu à l'ensemble. L'enchaînement des plans devient même frénétique à quelques moments, mettant en place une tension tout à fait hitchcockienne (particulièrement marquante lors de l'ouverture et de la fin). Par ailleurs, le nombre important d'inserts et de gros plans permet au film de faire des raccourcis logiques et d'enchaîner les actions des personnages sans s’embarrasser du superflu.
Cela apporte quelque chose au rythme, mais aussi à la représentation de l'adultère, thème central du film. Truffaut ne voulait pas faire de cette relation extraconjugale un événement positif. Il passe donc sous silence toute la romance entre Pierre (Jean Desailly) et Nicole (Françoise Dorléac) pour ne garder que le squelette de leur histoire. Toutefois, quelques traits de poésie subsistent. Le réalisateur emploie plusieurs astuces pour traduire à l'image les émotions des personnages. On se souviendra du moment où Pierre, heureux d'avoir obtenu un rendez-vous, allume toutes les lumières de sa chambre d’hôtel. Mais c'est l'idée des gros plans sur les mains qui est la plus ingénieuse. A la manière du Pickpocket de Bresson, les mains, en se touchant et se frôlant, servent de moyen de communication silencieux. Le gros plan sur l'interrupteur où Pierre éteint la lumière juste après que Nicole l'ai allumée est d'ailleurs d'une beauté rare.
Cette poésie contraste avec le début de la relation clandestine, qui n'a pas lieu d'être, qui est complètement illogique. Cela permet au film de s'affranchir du manichéisme. Pierre est heureux avec sa femme et sa fille, sa carrière se porte bien, et pourtant il prend une maîtresse, sans que cela soit une décision réfléchie. De plus, il est bien mal assorti avec cette femme, plus jeune et vive que lui, et il le sait, car le bonheur et la culpabilité se lisent dans son regard lorsqu'il dévore son amante des yeux...
Truffaut construit donc une histoire d'adultère complexe, où il est impossible de juger les personnages. L'issue dramatique, annoncée par la forme très inspirée d'Hitchcock, met un point final très lourd à cette histoire qui ne possède pas de réel coupable.