Il faudrait sérieusement que je m'intéresse au cas Louis Malle tant « La Petite » est la consécration d'un cinéaste exceptionnel. Difficile pourtant de ne pas tomber dans le sordide en s'attaquant au quotidien d'une maison close durant la Première Guerre Mondiale : le réalisateur y parvient admirablement, sans jamais porter le moindre regard condescendant sur ses personnages. C'est au contraire un film plein de vie, d'entrain, trouvant un équilibre miraculeux pour rendre cet univers évidemment pas comme les autres aussi séduisant qu'intrigant. Car oui : pas question ici de condamner les bordels, tant celui de Madame Nell échappe constamment à la caricature, si bien que tout est constamment crédible, cohérent. Si l'œuvre est toutefois aussi fascinante, c'est parce qu'elle a la grande idée de montrer l'endroit à travers le regard de Violet, gamine de 12 ans qui rejoindra bientôt elle aussi le lieu de débauche en tant que « professionnelle ». Cette dernière est sans doute l'un des plus beaux personnages de l'Histoire du cinéma, sublime d'innocence et de séduction, émouvante et agaçante dans la même scène, femme et enfant... Elle est tout cela à la fois, ce qui se ressent particulièrement dans l'étrange relation « mari-femme-père-fille » qu'elle entretient avec Bellocq, que Malle filme avec un incroyable brio. Celle-ci est à l'image du film : suprêmement intelligent et subtil dans tout ce qu'il exprime, montre, cache parfois... Porté par un excellent casting (Brooke Shields, Keith Carradine, Susan Sarandon, Frances Faye, Diana Scarwid, Barbara Steele), « La Petite » est une réussite inouïe, mémorable et parfois bouleversante, assurément l'un des sommets de son auteur. Splendide et lumineux.