On conçoit que le sujet puisse provoquer une certaine gêne, de l'incompréhension, voire un rejet pur et simple. Encore que la malaise que l'on ressent tient moins au sujet qu'au ton équivoque employé par Louis Malle.
L'histoire de cette fillette de douze ans, grandie dans un bordel de la Nouvelle-Orleans et tout -trop- naturellement destinée elle-même à la prostitution après
la sordide cérémonie de déflorage,
semble n'avoir d'autre sens que celui d'une initiation amoureuse et sensuelle hors-norme.
Ni le cinéaste, ni aucun des personnages (et encore moins la mère de la jeune adolescente) ne paraissent s'émouvoir de l'existence de Violet, laquelle, après avoir longtemps observé,
se prostitue sans répugnance.
De surcroît, restituant l'ambiance d'une maison close au début du siècle, Malle Décrit un endroit chaleureux et "familial", joyeusement libertin, où s'épanouissent, comme dans un cocon, la beauté, la sensualité, toute la personnalité de la petite.
Pour autant, Louis Malle ne verse pas dans la provocation et n'interdit pas de voir au-delà des apparences. Il montre bien qu'il met en scène une gamine pervertie par son milieu, une adolescente devenue femme par mimétisme mais qui reste -c'est évident lorsqu'on la découvre jouant à la poupée- une enfant. Brooke Shields, dans ce rôle de Violet qui fit scandale, est aussi étonnante que formidable dans un emploi infiniment délicat. Son naturel apporte beaucoup à un film qui manque par ailleurs de relief dramatique.