La sortie en salle du très beau « Petite sœur » de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond m’a donné envie de m’intéresser à la filmographie de ce duo de réalisatrices suisses et donc à cette « Petite chambre », leur premier long métrage qui précédait de dix ans « Petite Sœur ».
C’est l’histoire de deux solitudes intérieures qui se croisent, celle d’un vieux monsieur qui ne peut plus vivre de manière autonome mais refuse la maison de retraite (Michel Bouquet) et celle d’une infirmière à domicile (Florence Loiret Caille) chargée de ses soins. Edmond est un vieil orgueilleux qui fait comprendre à qui veut l'entendre qu'il n'a besoin de l'aide de personne. Les photos souvenirs de sa femme, ses plantes et sa musique lui suffisent, les autres ne l'intéressent pas. Rose, la jeune infirmière est aussi taiseuse et butée que lui. Chacun vit avec une douleur ancienne non refermée. L’octogénaire vit avec le souvenir de sa femme bien-aimée perdue quelque 40 ans plus tôt et la jeune femme fracassée par la disparition de son bébé mort-né, ne peut sortir du cocon qu’elle lui avait préparé. Au moment de cette rencontre, chacun doit assumer le départ pour les Etats Unis de la seule personne qui serait susceptible de les soutenir. Le fils de l’octogénaire, sans amour ni soutien pour son père y est appelé dans le cadre de son plan de carrière, le mari de l’infirmière, bon bougre pas compliqué, doit y aller quelques jours pour défendre un projet de campagne publicitaire. Les voilà donc seuls. Ensemble.
Par petites touches successives, le spectateur est amené à découvrir les petits secrets de deux personnes différemment atteintes par la mort, qui n’ont plus que l’autre à qui confier leur douleur. Sans pathos et avec délicatesse, leurs appréhensions et leurs espérances sont mises au jour. Les deux réalisatrices évoquent en termes simples et avec tact la rencontre de deux deuils et les difficultés suscitées par le grand âge. La construction scénaristique est simple, le scénario un peu convenu, mais le film touche par sa justesse de ton : la petite chambre est un film émouvant, tendre, qui joue sur des riens, des gestes, des regards, le choix d’une couleur de pantoufle, le sourire de Rose, un album photo aux pages soudain blanches…
Et il est porté par le jeu des deux acteurs principaux qui volent presque la vedette aux intentions du récit. La rencontre et la complicité de Michel Bouquet, solitaire bougon et secret au jeu profond et nuancé, avec Florence Loiret Caille jeune femme blessée à l’air ronchon et l’énergie désordonnée, donnent au film toute son intensité et son humanité.