Pedro Almodovar est un réalisateur talentueux, ça ne fait aucun doute, mais en général ses films ne me parlent pas trop à moi. C'est aussi un réalisateur capable du meilleur comme du pire, qui une année peut rencontrer un énorme succès critique et public, puis l'année suivante pondre un ratage complet. Tout sur ma mère est peut-être son meilleur film à ce jour, pas forcément mon préféré. Pour décerner la palme du pire film, il y a pas mal de prétendants. Quant au film La Piel que Habito, c'est difficile de se prononcer, mais c'est clairement un film très intéressant et surtout sacrément tordu !
La Piel que Habito (en français '"la peau que j’habite") est un thriller d’horreur d’art et d’essai, adapté du roman Mygale de Thierry Jonquet. N'ayant pas lu le roman, je ne pourrai pas me prononcer sur la fidélité du film par rapport au matériel de base, mais ce qui est sûr, c'est que sur la forme c'est un film 100% Pedro Almodóvar. L'autre source d'inspiration avouée de Pedro Almodóvar, c'est le film franco-italien Les Yeux Sans Visage, un autre film d’horreur mettant en scène un médecin fou avec une peau synthétique. Mais Pedro Almodovar prend beaucoup de liberté avec ses deux sources d'inspiration, c'est évident tant on y retrouve tous les thèmes qui l'obsèdent : le viol, la drogue, le meurtre, l'homosexualité, les trans ...
Revenons au sujet du film, c'est donc un film d’horreur d’art et d’essai, d'horreur car c'est un cauchemar plein d'effrois et d'horreurs, avec une touche de mystère. C'est aussi un film d’art et d’essai car personne d'autre que Pedro Almodovar pourrait accoucher de ce film. Il remplit son écran de couleurs riches et voyantes (rouges, bleus, jaunes, bruns, oranges), ce qui fait encore plus ressortir la couleur rosée (le masque sur l'affiche du film) et crème de la peau (synthétique ou pas synthétique). Non vraiment, La Piel que Habito est un véritable festin du point de vue visuel.
C'est jubilatoire et très divertissant de percer le mystère qui se cache derrière chaque personnages du film. Alors certes, l’intrigue peut sembler ridicule (et elle l'est vraiment) et quelque peu trash, mais elle est d'une totale cohérence avec le CV de Pedro Almodovar. Il met de côté toutes les conventions et tous les clichés de l’horreur, pour faire du Pedro Almodovar, c'est à dire quelque chose qui ne ressemble à rien d'autre.
Antonio Banderas impressionne dans le rôle principal du chirurgien / le Dr Frankenstein. Plus le film avance, plus il nous parait évident que ce gars est tordu. Au fur et à mesure que nous en apprenons un peu plus sur le pourquoi du comment de l’expérience du "Dr Frankenstein", ses motivations deviennent plus claires.
Cependant, la star du film c'est bien Elena Anaya / le monstre de Frankenstein. Elle a des yeux incroyablement expressifs, faisant passer une quantités incroyable de sentiments et ressentiments. On soupçonne rapidement qu'il y a quelque chose d'étrange en elle, derrière sa peau. C’est une performance exceptionnelle, l’une des meilleures performances physique et émotionnelle que j'ai vu depuis longtemps.
La Piel que Habito c'est du 100% Pedro Almodovar. Le réalisateur espagnol a mis son empreinte unique sur le film, mêlant humour et impertinence, brutalité troublante, torture psychologique ... et beaucoup de moments bizarres. C'est bien mis en scène, bien interprété, avec une esthétique intéressante et originale. C’est aussi un plaisir coupable et tordu, comme sait si bien le faire Pedro Almodovar.
Mais je pense que le meilleur compliment que l’on puisse faire au film, c’est qu’il ne ressemble à rien d'autre.