Aller voir un film d'Almodóvar c'est se confronter à ce que l'on dit régulièrement, une certaine vision d'auteur. Qu'on aime ou que l'on déteste le style, il serait faux de nier qu'Almodóvar a une certaine radicalité dans ses films.
Il y a du sexe comme à son habitude: c'est à dire beaucoup. Et comme souvent pour tous les "goûts". Il y a évidemment la thématique de la transexualité, mais pour une fois, exprimée différente, plus fine, et encore plus complexe.
Il y a toujours ces couleurs éclatantes bien sûr, marque de fabrique de l'auteur, mais celles-ci sont diluées dans différentes formes telles que des tableaux accrochés aux murs, des animaux ici et là, sous la forme humaine aussi bien entendu, des robes colorées et dont l'importance dans le film est cruciale, des personnages très très spécifiques et particuliers dont la personnalité rappelle un autre film d'un vieil auteur: Alfred Hitchcock et son Vertigo (Sueurs Froides)
Antonio Banderas & Elena Anaya, incarnent ici le beau couple que formait James Stewart et Kim Novak, dont il était aussi question de disparitions.
Le pitch de "La Piel..." parlons-en. Ou plutôt, ne parlons-en pas trop. Car ce serait un crime de révéler qui est réellement qui, même si le plus aguerri des spectateurs aura l'audace et l'intelligence de l'apprendre assez rapidement, quoique...on pourrait être surpris tant la finesse du film, qui est une adaptation libre rappelons-le, du roman français Mygale de Thierry Jonquet.
La Piel que Habito pour ne pas trop en dévoiler est un film sur les questions qui troublent régulièrement la génétique et la psychologie humaine:
- A-t-on le droit de créer des surhumains pour éviter les maladies et les problèmes, et ainsi a-t-on le droit de jouer à Dieu dans son laboratoire? La question si elle semble amener une réponse concise et pourtant simple est moins simple qu'elle paraîtrait.
En effet, la femme de Robert Ledgard, est décédée dans un accident de voiture malheureux où elle a brûlée vive. D'où l'obsession du docteur de la créer une peau parfaite, insensible aux brûlures. Pour cela il ne va pas hésiter à faire des expériences de plus tordues...
C'est sur la jeune femme incarnée par Elena Anaya, sublime, que tout va se jouer. Elle sera sa créature et son amante.
- Quelle identité avons-nous? Hommes, femmes? Autres? Surhumains?
Un côté Jekyll et Hyde transparaît donc dans ce dernier film d'Almodóvar qui montre à la fois un "beau" côté de l'être humain sublime et transpirant une certaine classe mais également un côté monstre, capable de tout pour parvenir à ses fins, même au meurtre.
Une hésitation entre tout montrer et tout raconter de manière très spécifique ou du coup, être plus sobre et poser une mise en scène lente dont la puissance narrative ne cesse de monter le long de la pellicule? Entre les deux actuellement, Almodóvar a fait un parti pris.
Mais que les fans se rassurent, certains excès sont encore présents, mais par touches discrètes toutefois.
C'est donc un jeu de pistes plutôt agréable à suivre car fluide dans sa narration malgré des sauts temporels dans le passé et dans le futur que se livre ce cru 2011.
S'il n'est pas encore le film de la Palme d'Or, le début étant peut-être un peu laborieux à la mise en place, La Piel que Habito prouve que parfois lorsqu'Almodóvar pose un peu sa caméra et ne part pas dans ses délires transgenres, il peut transcender son style.
Mais en procédant de cette manière, l'auteur ne perd-t-il pas ainsi de sa substance, cette manière de tourner qui sans jeux de mots, lui colle à la peau?
Est sa peau?
Une chose est sûre, La Piel que Habito est une belle peau, habitée du début à la fin.
Intéressant donc.
Trailer: http://youtu.be/AUYc647us0w