Au delà de l'aspect visuel et des ficelles scénaristiques, ont reconnaît un grand film à sa capacité de créer de l'imagerie. Des éléments qui se gravent dans notre mémoire et nous rappellent par quelques tours de passe-passe, narratifs ou graphiques, que c'est dans ce film là que l'on a vu ça. De par sa grande capacité à figer des personnages dans l'espace et dans le temps également. Chez qui les noms de Cornelius, Zira ou du Docteur Zaius n'éveillent pas immédiatement un souvenir?
Bien des tentatives ont depuis été faites, quelques suites immédiates moyennement réussies, une série télé, puis plus récemment un remake par Tim Burton, et deux variantes sympathiques aux effets spéciaux plutôt réussis, mais rien ne nous fera oublier la version originelle réalisée par un immense cinéaste, Franklin J. Schaffner.
Connu pour avoir mis en scène Steve McQueen et Dustin Hoffman dans l'inoubliable Papillon, mais également George C. Scott en général Patton, sans oublier Ces Garçons Qui Venaient Du Brésil avec Gregory Peck dans la peau du monstrueux Docteur nazi Josef Mengele. Adepte des super productions ce réalisateur a toujours su imposer un style, assez radical pour l'époque, et une véritable maîtrise picturale, magnifiant ces œuvres d'une plastique irréprochable.
Sorti en 1968, ce film n'a non seulement pas pris une ride, même si les costumes bien ancrés dans l'imaginaire de leur époque, assez rococo et disons le un peu kitsch aux yeux du contemporain peuvent prêter à sourire aujourd'hui. Mais disons le clairement, là n'est pas le principal intérêt de cette œuvre unique qui encore aujourd'hui prête à une vraie réflexion sur le devenir de l'humanité sans obligatoirement passer par la case politiquement correcte de notre époque de beaux parleurs.
Schaffner propose à l'homme de se regarder dans un miroir, lui faisant prendre la place de l'animal dans un habile jeu de chaises musicales, doublant son postulat d'une habile réflexion sur la prise de conscience de l'homme civilisé ramené à l'état primitif.
Le très athlétique Charlton Heston, dans le rôle de l'homme civilisé, déambulant torse-nu dans la peau du héros sûr de lui qui se retrouve confronté à la sauvagerie de la fin de son humanité. Les singes ont tellement imité l'homme à travers les âges qu'ils ont fini par prendre sa place sur Terre et même d'en reproduire les mêmes actions, et d'en utiliser les mêmes rites et sciences, la médecine mais aussi la religion. Ces deux notions finissant par s'opposer. Il est aussi question de Darwinisme et de théorie évolutionniste.
Proposant un constat assez glaçant au final, qui se conclurait sur un éternel recommencement. La scène finale, magnifiquement significative, devenue culte, s'achève sur une note terriblement pessimiste montrant l' inéluctable devenir de la race humaine.
Il faut dire qu'en 1968, la guerre froide était d'actualité et que la peur de l'apocalypse, la fameuse phobie de la Bombe battait de son plein.
Magnifiquement photographié dans les fabuleux grands espaces de l'Arizona et de la Californie sauvage, la première partie propose des plans larges d'une grande beauté que n'aurait pas désavoué un John Ford au meilleur de sa forme. C'est aussi pour ça que le film de Franklin J. Schaffner demeure inégalé et inégalable.