J’attendais avec impatience et perplexité ce nouveau volet de la saga et je dois dire, qu’à l’arrivée, le film est une réussite sur tous les points. Wes Ball a la lourde tâche de succéder au maestro derrière la trilogie des années 2010 - le génial Matt Reeves – et s’en sort plus qu’avec les honneurs.
Le réalisateur, qui a fait ses armes avec la saga Le Labyrinthe, adopte complètement le point de vue des singes dans sa mise en scène, avec des plans subjectifs, époustouflants de fluidité et de lisibilité, qui peuvent étourdir et donnent le vertige à plusieurs moments.
A de nombreuses reprises, pour rester au plus près des singes, sa caméra suit leur mouvement comme dans un jeu vidéo immersif.
Ce choix du point de vue total du singe n’est pas que technique, puisqu’il se reflète dans la narration, le regard porté sur les personnages et l’émotion qui se dégage du long-métrage.
En effet, la force du film – et accessoirement le renouvellement judicieux de la saga – réside dans le choix de faire de ce 4e opus un vrai voyage initiatique à travers les aventures du jeune Noa, avec rite de passage, danger et poids de l’héritage.
Grâce aux progrès technologiques de la performance capture en 7 ans, les singes sont encore plus expressifs et donc plus émouvants que dans les précédents films.
Le personnage de Noa, certes quelque peu archétypal dans le monde du blockbuster, demeure solidement écrit, plus innocent et plus touchant que César. Wes Ball réussit à mieux nous impliquer dans son aventure.
Ce personnage curieux, courageux et naïf est la meilleure porte d’entrée possible pour découvrir ce qui est advenu de la Terre après l’avènement du royaume des singes, 300 ans plus tôt.
Wes Ball, lorsqu’il se laisse aller à de très beaux plans larges, laisse entrevoir une Terre dévastée, avec des ruines de la civilisation humaine, réinvestis ou reconstruits par les singes.
Les décors, avec cette nature qui a repris ses droits et recouvre de nombreux bâtiments, fait penser à ceux de jeux vidéo postapocalyptiques comme The Last of Us.
Les installations créées par les singes eux-mêmes – le village de Noa, le camp de Proximus César - sont de très belles créations et aussi un très bon témoignage de l’avancée de leur civilisation.
Le film bénéficie d’un très bon rythme, aidé par des rebondissements et surtout une réinvention constante au cours des deux heures et demie.
On passe ainsi d’un récit initiatique adolescent dans un environnement paisible - qui fait penser au début du Seigneur des Anneaux ou au second volet de la saga Avatar – à un road trip proche du western avec des morceaux de bravoure rondement menés (la chasse, le pont).
La dernière heure semble être un hommage au précédent film avec un camp de concentration, des tentatives d’intrusion puis d’évasion.
Mais cette fois, l’antagoniste n’est plus l’humain mais bien un singe, ou tout du moins c’est ce que l’on croit. Le film ne repose pas que sur les épaules de Noa. Face à lui, trois personnages passionnants se dressent : l’ancien Raka, touche humour, nostalgie et philosophie du film, la jeune Mae, qui ne dévoile jamais complètement ses objectifs, et le menaçant Proximus, sournois, cruel et idéaliste.
Le film est de plus en plus trouble sur les intentions des deux derniers personnages et, adoptant complètement le point de vue de Noa, sème le doute sur la nature du véritable antagoniste.
Proximus chasse et extermine les humains, réduit en esclavage les autres peuples singes tandis que Mae ne révèle ses plans qu’à la fin et son statut d’humaine rend toutes ses décisions et actions complexes. Chacun suit sa propre destinée – sauver sa famille, révolutionner son espèce ou sauver la sienne.
Comme l’autre grand blockbuster de l’année – Dune II – ce nouveau volet questionne le pouvoir de la parole, du charisme et la déformation de l’histoire et des légendes à des fins belliqueux ou opportunistes.
Le film se termine sur une double note douce-amère, qui repose là encore sur le point de vue adopté par le réalisateur et les chemins pris par Noa et Mae.
Ce 4e film est donc une très bonne surprise et un blockbuster de très bonne tenue, avec un savant mélange d’action, de réflexion, d’émotion et qui réussit à faire croire à son univers et son évolution.