Rien que cette année, nous avons eu le droit à The Zone of Interest et One Life sur le sujet de la Shoah. Si le second était assez convenu malgré sa réussite dramatique, le premier nous transportait au pied du mur, dans le quotidien hors-champ des camps. Hazanavicius, en bon touche à tout inventif, a trouvé son angle d’attaque, celui du conte, celui de l’animation.
Pauvre bûcheron et pauvre bûcheronne vivent en une forêt à la blancheur éclatante, un cadre aussi pur qu’il est dépouillé, et donc à même de laisser s’exprimer ses personnages, seules sources de chaleur potentielle. L’esthétique et la forme narrative se rejoignent donc pour former un statisme cohérent qui ne révèle l’horreur de façon frontale qu'une fois la magie dispersée. Car lorsque arrive cette précieuse marchandise, ce don de dieux, bûcheron y voit le mal. L’aliénation d’une époque qui voit les sans-cœurs comme des créatures à châtier. L’homme est victime de la religion, de la superstition, et il faudra bien que son cœur s’ouvre pour que son esprit s’active. Le motif du train, jusqu’alors assimilé au lointain, à des mondes inenvisageables dont on entend les échos par les collègues au déjeuner, devient tout autre. Il glisse des rails de l’indifférence au convoi de la peur, levant le voile de ce qui s’y trame alors que celui de l’obscurantisme se lève des yeux de pauvre bûcheron. Alors l’épure laisse place au démonstratif.
Les jeux d’ombre et de lumière s’intensifient, les visages munchiens s’alignent alors que les cheminées crachent leurs funestes fumées, et le père se liquéfie dans son reflet vitreux. La planche du neuvième art se transforme en expressionnisme du septième, et tandis que les tragédies se succèdent, bûcheronne rejette la possibilité d’une puissance supérieure qui laisserait advenir de telles monstruosités. Mais pas totalement, car toute lueur d’espoir est bonne à prendre au cœur des ténèbres. Quand bien même cet espoir est à trouver à la source du mal, en l’homme qui, capable du pire, est aussi capable d’aimer.
Alors que la salle se rallume, et que l’on quitte hébété la séance en séchant nos larmes, on se dit qu’on a quand même de la chance que tout ceci n’ait aucune chance de se reproduire, puisque ce n’est de toute façon jamais arrivé. C’est Jean-Louis Trintignant qui l’a dit, c’est bien plus simple de l’écouter.