En 1941, John Ford dénonçait, sur le ton de la comédie, le sous-développement du Sud dans son "Tobacco Road". Ici, la dénonciation est tout aussi terrible, avec en toile de fond une histoire d'adultère, de couple mal assorti, de jalousie...
Hé oui. Je pensais que "Baby Doll" décrivait des thèmes sexuels sur une femme-enfant, mais finalement ce n'est pas ce que j'ai ressenti comme central dans le film. En gros, un éleveur de coton désargenté, Archie (Karl Malden) détruit la filature de coton d'un investisseur sicilien que personne n'aime, Vaccarro (Eli Valach). Ce dernier vient faire filer son coton chez Archie, mais comprend vite, en interrogeant sa femme, Baby Doll, une jeune beauté qui va bientôt avoir 20 ans et ne comprend rien à rien, que Archie est derrière l'incendie. Vaccarro médite alors sa vengeance : il envoie Archie à l'autre bout du comté chercher une scie, et profite du week end pour séduire la jeune femme. Quand Archie rentre, le nouveau couple tente le chantage ; le dénouement implique des tirs au fusil à pompe et l'arrivée du shériff.
Le film a un rythme délibérément lent, ce qui fait que la tension dramatique joue plutôt sur la durée que sur l'intensité. Malgré un bref passage dans la ville, l'essentiel du film se déroule sur le domaine d'Archie, sorte de dépotoir à l'abandon que l'on pourrait aisément prendre pour une maison hantée. Les nègres je-m'en-foutistes, le racisme de petit blanc, la grand-mère qui déraille en parlant avec une voix de petite fille, la maison qui s'effondre, les poules et les infiltrations qui s'insinuent un peu partout : Si j'habitais le sud, je me sentirais insulté, encore bien plus que dans le film de Ford.
Le jeu des acteurs est excellent, bien qu'on s'étonne de ne pas trouver des stars comme Marilyn, qui aurait été parfaite pour faire la femme-enfant. L'accent sudiste et chaud de Caroll Baker est parfait, son jeu également, même si son physique de petite fille rend son pouvoir de séduction sur Vaccaro assez abstrait. Malden est excellent de bout en bout, dans un rôle pas évident car susceptible de tomber facilement dans la caricature. Quant à Valach, il prend son air méphistophélique si bien rodé. Moindre prise de risque, mais ça marche fort bien.
Noir et blanc classieux ; belle utilisation de l'espace, qui familiarise progressivement avec les différentes pièces du manoir ; fort contraste d'ombre et de lumière (sans que ce soit outré, d'ailleurs, car le film a une intention naturaliste).
C'est une belle histoire, mais tout de même, le Sud prend cher, et le dénouement est peut-être un peu long.