Arthur Penn est surtout connu pour ses films Little Big Man et Bonnie and Clyde. Mais ces classiques n’étaient pas ses premiers coups d’essai. En 1966, ce talentueux réalisateur s’entoure, pour son film La Poursuite impitoyable, d’un casting de premier choix, tant au niveau des acteurs (Marlon Brando, Jane Fonda, Robert Redford et Robert Duvall), que de son équipe (John Barry pour la musique et Joseph LaShelle pour la photographie).
D’après le roman d’Horton Foote (1952), l’histoire se passe dans une bourgade du Sud des États-Unis où la population est en ébullition après l’annonce de l’évasion d’un enfant du pays, Bubber. Les habitants, persuadés que le fuyard va revenir en ville, sont sur le qui-vive. Quelques habitants se montrent ouvertement hostiles et le recherchent. Conscient du danger que court Bubber, le shérif de la ville, Calder, va tout faire pour le trouver en premier afin de le protéger des citoyens. Arthur Penn dénonce habilement ce climat hostile et méfiant du Sud où les préjugés ont la vie dure et où les étrangers sont écartés de la société (que ce soit un black du coin ou un blanc venant d’ailleurs).
La prestation de Marlon Brando dans le rôle du shérif Calder est époustouflante et démontre le talent de l’acteur. Jane Fonda joue parfaitement Anna, dont les sentiments sont partagés entre Bubber et Jake. Le film a aussi servi de tremplin au jeune Robert Redford, l’acteur incarnant Bubber.
Un aspect très intéressant du film concerne le vigilantisme des citoyens. Ceux-ci, désirant faire justice eux-mêmes, court-circuitent la justice légale représentée par le shérif Calder. L’opposition entre ces deux justices engendre l’inévitable, une confrontation extrêmement violente. De mémoire, je n’ai jamais vu, dans un film américain, un représentant de la loi se faire presque lyncher par une poignée de citoyens, ceux-ci désirant retrouver Bubber afin de l’exécuter sommairement. Cette scène incroyable s’inscrit dans un mouvement du cinéma américain de la fin des années 60, le Nouvel Hollywood. Ce mouvement, inspiré de la Nouvelle Vague du cinéma français s’inscrit dans l’air du temps, à savoir une expression beaucoup plus libre de la sexualité et de la violence ainsi qu’une volonté contestataire en ce qui concerne la corruption et le racisme. La chute de ces tabous va permettre aux réalisateurs d’aborder ces nombreux sujets abhorrés par l’Amérique puritaine et d’apporter un souffle nouveau au cinéma américain.
Malheureusement Arthur Penn fut brutalement écarté lors du montage final par le producteur Sam Spiegel (producteur de grands classiques tels que Le Pont de la rivière Kwaï, Sur les quais et Lawrence d’Arabie) qui n’avait pas confiance dans son professionnalisme. Un second coup dur après son éviction du film Le Train deux ans auparavant. Le réalisateur s’est senti, à juste titre, trahi et garda un souvenir amer de La Poursuite impitoyable. Des années plus tard, Arthur Penn déclara:
Tout dans ce film était décevant et je suis sûr que chaque réalisateur a vécu cette expérience au moins une fois. C’est dommage car ça aurait pu être un grand film.
Et il est vrai qu’à la fin du film, on ressent une légère déception. Sans arriver à mettre le doigt dessus, je sentais que ce bon film avait tout pour être excellent. Les acteurs, l’histoire, les dialogues sont presque sans défaut, mais il manquait un petit quelque chose pour créer l’alchimie propre aux chefs-d’œuvre. Dommage…