J'avais mis 9.
Je mets 10.
D'abord parce que voir John Wayne chevaucher comme un diable en pleine charge héroïque, ça me fait des choses dans le bas ventre.
Ensuite parce que Jeffrey sexy Hunter me semble plus beau de visionnage en visionnage.
Enfin parce qu'à chaque fois que la scène de fin arrive, c'est plus fort que moi : je frissonne, j'ai envie de pleurer, et je me tasse sur moi-même comme un cœur d'artichaut devant Autant en Emporte le Vent.
Si La Prisonnière du désert est considéré comme l'un des meilleurs westerns de tous les temps, ce n'est pas un hasard.
Le scénario a beau être aussi simple et évident que le changement des saisons de l'ouest américain, c'est bien la profusion des personnages tous aussi riches et authentiques les uns que les autres qui fait le sel du film.
John Wayne, au charisme plus écrasant que jamais, éblouit dans un rôle taillé pour ses - larges - épaules. Une redite du baroudeur tel qu'il l'a joué maintes et maintes fois pour les uns. Pas pour moi. Wayne campe ici l'un de ses personnages les plus profonds et les plus tourmentés, vivant le dilemme terrible de sa haine pour les tribus Comanches contrecarrée par son amour pour sa nièce et son neveu d'adoption. Ethan Edwards est un homme bourré de contradictions, et c'est bien pour ça qu'on l'aime. Sec et aride comme la pierre, mais oncle aimant et protecteur, malgré tout. Le vrai dur au cœur tendre, quoi. Ses répliques, la sobriété de son jeu et la détermination manifeste qui l'anime guide l'acteur au sommet de son art. On aura rarement vu un héros de western aussi blessé dans sa chair, visiblement épris de sa belle-soeur défunte, accusé de meurtre, héros de la guerre et menant toujours ses affaires d'une main de fer.
Le tandem formé avec Hunter est efficace au-delà du possible, et on ne peut qu'admirer la finesse de l'écriture du personnage de Martin Pauley. Hunter a probablement dû s'en donner à cœur joie pour glisser dans la peau de ce gamin trop vite grandi, sang-mêlé Cherokee, sans fortune et sans réelle place, à cheval entre deux familles pourtant affectueuses. La fragilité du jeune homme qui grandit au fil de sa quête est perceptible, et jamais atténuée par les nombreuses touches d'humour et de légèreté que confère heureusement la présence de Martin tout au long du film.
Une bromance/relation compliquée oncle-neveu comme on en voudrait plus souvent, teintée de pudeur et d'une raideur masquant mal l'intensité des liens noués et le respect éprouvé par les deux hommes l'un pour l'autre.
On ne peut que saluer le dynamisme pétillant d'une Vera Miles ravissante et mutine sans scrupules, la performance extraordinaire de Ward Bond en révérend et capitaine des Texas Rangers, et un Henry Brandon flippant au possible, grimé en chef Comanche. Je pourrai prendre le temps d'écrire un éloge à l'égard de chaque personnage du film, mais ça ne suffirait pas à exprimer tout le bonheur éprouvé à regarder La Prisonnière du désert, de bout en bout. Si les codes du western sont respectés à la perfection, il est clair que les nombreuses nuances du film atténuent largement le côté bourrin de l'action et les charges traditionnelles rangers VS indiens. On attribuera une mention spéciale à la scène de l'attaque de la ferme des Edwards, probablement l'une des plus terrifiantes jamais vues dans un film du genre.
Car c'est bien toute la magie de l'œuvre de John Master Ford : en montrer le moins possible, et laisser l'horreur se déverser dans nos têtes, en silence. Les scalps, les viols, les meurtres. On ne nous épargne rien, mais on ne voit rien non plus. Plutôt que de se complaire dans le sang et la mort, Ford préfère laisser son objectif s'attarder sur l'étendue étourdissante des terres d'un Texas se remettant à peine de la guerre de Sécession.
Inutile de préciser que la chanson thème du film (en VO ou en VF), demeure inoubliable, et la BO jalonnant le tout d'une redoutable justesse.
La Prisonnière du désert était un western nécessaire, et une traque qui restera dans les annales, et dont il faut rappeler que John Wayne lui-même adora tourner, nommant même l'un de ses fils Ethan en souvenir de son personnage phare.
Alors on dit merci, on se tait, on écoute, et on regarde.