Je regrette de ne pas avoir pu intégrer les images du film prévu pour illustrer mon propos. Malgré celà bonne lecture et si l'envie de revoir le film vous prend ce sera très bien. Vive le cinéma.
Film
Titre : La prisonnière du désert
Titre original US : The searchers
Réalisateur : John Ford
Année : 1956
Pays : USA
Source : TCHERNIA (Pierre) 80 grands succès du western Paris, casterman 1989.
TAVERNIER (Bertrand), Amis américains, Institut Lumière / Actes Sud, 2008.
Distribution : John Wayne (Ethan Edwards), Natalie Wood (Debbie Edwards), Vera Miles (Laurie), Jeffrey Hunter (Martin Powley), Ward Bond (Révérend/capitaine Clayton).
Résumé : En 1868, les Comanches enlèvent deux fillettes et tuent leur famille. Ethan Edwards l'oncle des petites, part à leur recherche.
Commentaires :
Le film reprend et transcende le thème de la captive blanche enlevé par les sauvages. Thème présent en Europe dans l'imaginaire coloniale où le noir et l'arabe sont suspect de prédation vis à vis des femmes européenne blanche. Le film de J. Ford transcende ce thème en confrontant son personnage principal (J. Wayne) à ses propres fantasmes racistes.
Des éléments shakespearien.
On peut remarquer la qualités dramaturgique du récit qui recours à des procédés déjà présent dans le théâtre shakespearien comme le déroulement hors champs d'événements cruciaux tel que l'enlèvement des petites filles, l'attaque de la ferme et la mort du fiancée de Lucy qui se précipite sur les indiens en apprenant la mort de celle qu'il aime.
De la même manière le rôle du fou Moïse intervient comme un porteur de vérité qui apparaît comme un moteur d'action.
Une dramaturgie fordienne.
On remarque la récurrence d'éléments présents dans d'autres films de John Ford.
A la fin de l'histoire le personnage de J. Wayne se trouve dans l'encadrement d'une porte qui marque la différence entre l'intérieur et l'extérieur qui symbolise la fin d'une aventure qui marque l'exclusion de celui qui ne participera pas à la suite de l'histoire (il reste à l'extérieur de la maison) se retrouve dans le western « she wore a yellow ribbon » où l'on voit le personnage de la nièce du commandant (Joanne Bru) sortir pour dire « On a envie de saluer ».
Le film reprend également des éléments de la grammaire narrative traditionnelle du western, ainsi le gentil caresse le chien au tandis que le méchant indien lui jette une pierre.
Éléments de détails qui apparaissent invisible à la première vision mais qui contribuent à donner une densité humaine à l'univers mis en scène.
La nostalgie d'une Amérique idéale.
Se situant au Texas l'action du film met en scène une communauté habitué à faire preuve d'indépendance comme en témoigne l'institution des Texas Rangers constitué de fermiers du comté et dirigé par le Révérend qui cumule par son double statut d'homme de foi et de chef militaire une autorité à la fois morale et séculière. La truculence du personnage permet de faire apparaître ce type d'autorité paternel comme une forme d'idéal qui se retrouve fréquemment dans d'autres films de J. Ford à l'exemple de « Wagon master » où une communauté de mormont est dirigé par un chef cumulant à la fois autorité pratique et quotidienne et moralité. De la même manière les officiers de cavalerie de « She wore a yellow ribbon » apparaissent autant comme les pères de leur régiment que comme les chefs.
A travers « La prisonnière du désert » J. Ford s'attache à brosser le portrait d'une Amérique idéale rurale constituer de petites communautés d'habitants proche de la terre qu'ils travaillent et dont la fertilisation future constitue le destin commun. Projet sociale dont le film « Les raisins de la colère » met en scène la faillite.
Totalement absente dans « La prisonnière du désert », la ville apparaît rarement dans les films de J. Ford comme des lieux positifs. « Les deux cavaliers » met en scène un shérif (J. Stewart) se laissant peu à peu corrompre par l'oisiveté de sa fonction jusqu'à ce que son aventure en pleine nature lui permette de se révéler à lui même en trouvant l'amour, la conclusion du film le montre d'ailleurs quittant définitivement la ville pour se rendre, avec celle qu'il aime, en Californie contré qui apparaît comme une terre vierge à conquérir. La ville du début de « Wagon master » apparaît également comme un lieu de potentiel perdition où le héros subi la tentation de jouer au poker le résultat de son travail, acquis dans la nature. La ville apparaît également comme un lieu qui exclut puisque les mormons et les comédiens s'en trouvent expulsés tandis que la communauté agricole et familiale des mormons se révèle accueillante en intégrant successivement les deux coureurs de pistes, la troupe des comédiens et même d'une certaine manière les bandits qui pourtant les oppriment. Tolérance et proximité des valeurs évangélique associé au travail de la terre et à un mode de vie simple qui leur permet même de s'entendre avec les indiens, qui disent que les mormons sont moins voleur que les autres blancs.
Nord et Sud.
A l'instar d'autres œuvres de J. Ford « La prisonnière du désert » met en scène à travers une guerre indienne la liquidation du déchirement de la guerre civile. La fin du film fait apparaître, sans utilité dramatique, un personnage de soldat nordiste qui pour ridicule qu'il soit marque une réconciliation par rapport à la fracture de la guerre civile. Le révérend et J. Wayne ayant participer à la guerre du coté sudiste. Et remportant une victoire sur les indiens et les texans pallient les carences de l'armée américaine et effacent ainsi symboliquement la défaite du sud confédéré évoqué au début du récit. Revanche qui s'effectue sur un mode comique à travers les personnages secondaire du truculent révérend et du jeune lieutenant nordiste maladroit.
Autres éléments.
Quand il ramène la jeune Debbie à la maison (Nathalie Wood) Ethan (John Wayne) observe une série de geste symbolique qui relève à la fois de la naissance et du mariage qui réintègre la jeune fille dans sa famille.
Après l'avoir hissé au dessus de lui à la manière d'un père brandissant son nouveau né à bout de bras pour le présenter au monde et proclamer ainsi sa filiation, il la ramène sur son cheval et dans ses bras sans plus lui faire toucher le sol jusqu'à la porte du foyer qu'elle réintègre.
Rituel qui rappel celui du mariage qui voit le marié porter son épouse pour franchir la première fois le seuil de la demeure. L'image montre également un passage de relais l'homme solitaire vivant en marge des lois et de la société, transmettant la jeune fille au couple qui a perdu son enfant au début de l'histoire et qui incarne la famille de paysan pionnier. L'image peut apparaître comme l'illustration de la parabole biblique de la brebis perdue. Le recourt à de telles références s'effectuent sans être explicite et apparaissent cohérente avec la mise en scène de l'histoire Ethan (J. Wayne) ayant déjà hissé Debbie dans ses bras lors de son retour dans la famille au début de l'histoire, la répétition du geste opère comme un signe pour le spectateur que l'histoire se referme.
Par contre l'homme solitaire ne pénètre pas dans la maison où il n'a pas de place. Ayant réintégrer la jeune indienne dans sa famille d'origine (les paysans blancs) et ayant par le don de cette jeune fille compenser la perte du fils dont il s'estime responsable, il s'éloigne reprenant le thème traditionnel du cow-boy solitaire qui n'est pas sans évoquer la légende du juif errant.