Ce n'est pas un film sur le Far West. C'est le Far West.
Regarder The Searchers n'a pas forcément été une partie de plaisir pour moi.
Oh, certes, il y a un grand nombre de plans magnifiques (dont l'ouverture et la fermeture du film, mythiques), avec une des plus belles photographie que j'ai pu admirer (merci le Blu-Ray, même si parait-il qu'en VistaVision c'était incommensurable), autant pour les scènes en studio avec leurs éclairages et leurs couleurs presque expressionnistes que pour les grands espaces monumentaux (Monument Valley n'a d'ailleurs sûrement jamais été aussi belle, même si c'est complètement incongru de la voir alors que le film se passe au Texas).
Il y a aussi comme souvent chez Ford une galerie de personnages aussi pittoresques qu'attachants (même si l'acteur qui joue l'indien principal n'est pas du tout indien, et si la fameuse "prisonnière du désert" fait un peu tâche à la fin, avec sa coiffure proprette, son maquillage et ses changements d'avis injustifiés), avec lesquels le personnage de John Wayne cohabite plus qu'autre chose (le fameux mythe du justicier solitaire, indispensable à la construction de la société pour laquelle il est devenu inadapté). C'est d'ailleurs un des plus beaux rôles du Duke, sans doute parce que celui qui lui ressemble le plus, y compris dans ses côtés obscurs.
Le film est en effet extrêment sombre, même si la violence est très souvent suggérée (la grande force du film est sans doute son immense subtilité, tout en petits détails, en non-dits et en ellipses qui laissent l'imaginaire travailler et qui multiplient les lectures possibles du film), abordant tous les problèmes qu'ont connus les Américains au moment de la construction de leur pays (extermination des Indiens amenant à leurs représailles, violence sans fin, guerre de Sécession, racisme, nature hostile, tentatives de faire coïncider valeurs bourgeoises et vie sauvage, etc.), avec une honnêteté et une lucidité rares. Cette âpreté gagne le film lui-même, qui repose sur une intrigue mince et au final peu importante (tout le monde pousse les deux "searchers" à abandonner leurs recherches, et leur périple se transforme presque en quête morale), et c'est ce qui rend sa vision pas forcément très agréable, malgré la beauté évidente de l'oeuvre (seulement entâchée de quelques moments maladroits, comme la scène avec les filles à moitié folles ou celle où les indiens coulent dans une mare au moment où les cowboys traversent la rivière).
C'est ce réalisme à la fois dans les sujets (l'histoire d'une fille enlevée par des indiens et intégrée à leur tribu, notamment, est tirée d'un fait historique), dans les thèmes et dans la psychologie des personnages qui me donne ainsi l'impression que "The Searchers", c'est le Far West (et ce même si le film se passe au Texas ; l'Ouest, c'est avant tout le concept de la frontière civilisationnelle à faire avancer et à défendre).
Et je comprends ainsi mieux d'où vient le choix du "Ford" que Francis Coppola a ajouté à son nom...