Chronique d'un fait divers d'hiver...
Je sors d'une séance de "La prochaine fois je viserai le coeur". Un film étonnant à plusieurs niveaux.
C'est tout d'abord un film lent. Et cela ne peut lui être reproché, me semble-t-il.
L'histoire est proposée du côté du tueur. Et ce côté là est bien moins "palpitant" que le côté de l'enquête. Car le tueur agit lentement, seuls restent son mode opératoire et sa signature. La lenteur est d'autant plus accentuée qu'il est dans l'équipe qui enquête sur ... lui-même. De quoi ajouter une jolie double posture schizophrénique (j'emploie volontairement ce néologisme) dans un tableau déjà bien sombre, à côté de la nécessité évidente de se protéger.
C'est ensuite un film inspiré d'une histoire vraie. C'est entre 1978 et 1979 que NEUHART/LAMARE, le tueur de l'Oise, sévit dans le département de l'Oise. Il sera crédité d'un meurtre et de cinq tentatives de meurtres sur des jeunes femmes âgées de 17 à 19 ans.
Alain LAMARE bénéficiera d'un verdict le soustrayant à la justice et à la prison. Il avait été diagnostiqué à l'époque héboïdophrène, un type de psychose schizophrène criminogène, on parle de psychotique et psychopathe, association assez rare, semble-t-il.
Guillaume CANET rend parfaitement l'attitude présumée du personnage. Il marque bien, à la fois l'alternance et parfois même le conflit de personnalité, entre psychopathe en proie à des replis autistiques, voire des fenêtres obsessionnelles, et dans cette filature 'tic et pat" se glissent des tentatives de normalisation en l'occurrence vouées à l'échec.
Enfin, il s'agit d'un film factuel, presque historique, ne proposant aucun parti pris relativement à NEUHART/LAMARE.
Ana GIRARDOT est parfaite en faire valoir simple et spontanée. Il est vrai qu'un(e) "normosé(e)" est bien ennuyeux (pour la citer) comparée à la vie de cet homme, dont elle ignore encore tout !
Je tiens à souligner l'interprétation d'Ana GIRARDOT, dans la scène du lendemain de la nuit d'amour échouée au bord du lit. Ils sont dans la voiture, la belle ne comprend pas ce qu'elle aurait pu dire ou faire qui mette cet homme qu'elle aime et à qui elle pardonne déjà tout dans un tel état de mépris et de violence à son encontre, qui commence d'en faire un objet, une chose. Vous sentirez le désarroi dans son jeu, dans ses larmes, dans sa peur. Une scène magnifiquement portée.
J'ai apprécié ce film pour sa justesse, ce road movie en pays Ch'ti, il y fait froid, on y est mal, les souffles glacés de la mort dépourvue de sens hante chaque image, chaque attitude.
Et puisqu'on ne me l'a pas imposé, je me demande si LAMARE était jugé aujourd'hui, bénéficierait-il de ce même diagnostic et de cette même peine ?
Bonne séance :)