Voilà un film belge que j'aurais aimé adorer.
Un mélange de social et de thriller, avec une bande de pieds nickelés exclus de la mondialisation, essayant de monter un braquage, celui de l'acier de leur propre usine, vendue en pièces détachées.
Un décor iconique, avec ces gigantesques tours de béton alignées, qui dominent la ville de Liège, son paysage de jardins ouvriers et cette immense usine désaffectée.
Mais voilà, je dois bien admettre une pointe de déception devant ce cinquième long-métrage de Lucas Belvaux, sorti juste après sa fameuse trilogie.
Dans la partie sociale, si Belvaux parvient à esquiver joliment le misérabilisme, il a tendance a tomber dans un autre piège, celui de l'angélisme de la classe ouvrière. Certes, ses héros ne sont pas parfaits, mais on pourrait tout de même leur donner le bon dieu sans confession, notamment à cette charmante petite famille idéale : papa diplômé au chômage gentil comme tout, maman courage qui se lève aux aurores, fiston rouquin sorti d'une publicité Hertha (en réalité c'est le fils du réalisateur).
Et puis le prétexte du scooter, même s'il fait sens symboliquement (l'humiliation de plus, celle de trop), de là à provoquer la rupture du couple et un tel partage en sucette d'un homme visiblement pondéré...
Autre reproche, "La raison du plus faible" manque de rythme pour constituer un véritable thriller, même si le casse en lui-même parvient à susciter de la tension. Belvaux passe un peu vite sur les moments essentiels - par exemple lorsque les 4 complices se rejoignent dans la tour au petit matin - préférant s'attarder sur le personnage de l'ancien braqueur pendant toute la dernière séquence.
D'ailleurs je n'y ai pas toujours cru, à ce type étrange (incarné par Belvaux himself), à son monologue préventif, à ses brusques changements d'avis, à son sens du sacrifice romanesque...
Au final, j'aurais surtout souligné les défauts de ce film pourtant recommandable, car d'autres critiques relèvent très bien ses qualités par ailleurs.
"La raison du plus faible" reste en effet une belle histoire désespérante, et un solide polar social préfigurant les gilets jaunes avec une douzaine d'années d'avance, peuplé de marginaux souvent attachants, à l'image des deux anciens métallos en pré-retraite.