Comme tous les films mal reçus par le public car trop audacieux en leur temps, "La règle du jeu", fut un échec total à sa sortie et ne sera considéré comme un chef d'œuvre qu'environ 20 ans plus tard.
On prit alors conscience du caractère clairvoyant de cette vision satirique de la france d'avant-guerre et du talent subtil dont a fait preuve Jean Renoir de la dépeindre ainsi.
Sans narrer ici tous les points essentiels qui font de ce film un bijou, on peut toujours dire que nombre de scènes, de phrases et de situations, aussi burlesques soient-elles (et aussi étranges qu'elles pourront apparaitre aux jeunes générations peu soucieuses du contexte de l'époque), sont on ne peut plus chargées de sens et en disent long sur les caractères, les attitudes et l'inconscience du peuple français, dans toutes ses strates, qui amenèrent le pays entier à ignorer et ainsi favoriser la montée des antagonismes de l'époque.
Mettre le nazisme en cause première des conflits à suivre n'étant qu'une énième tentative de diaboliser Hitler dont la puissance montante inquiétait les impérialistes.
Le film a déplu car il dénonce plus ou moins directement la part de médiocrité et d'hypocrisie de toutes les classes sociales en un temps où les mots d'ordre étaient l'insouciance et l'amusement. Il était donc intolérable qu'un cinéaste vienne mettre en garde, de façon si ouvertement ironique, une société prônant l'optimisme infantile et le refus de considérer les dangers qui la guettent.
Cela très brièvement pour le fond, le contexte et l'historique.
Dans la forme, ça n'est pas moins admirable : fortement imprégné de théâtralité, le film n'est pas pour autant du théâtre filmé. En témoignent la profondeur et la largeur de champ, des dialogues proches de l'improvisation et un enchevêtrement de situations apportant des aspects réalistes à ce mélange de satire, de vaudeville et de tragédie sidérant de modernité bien qu'empreinte de cet esprit théâtral du XVIIIe siècle à la Beaumarchais.
Des références culturelles pas forcément obligatoires, du reste, pour, sinon appréhender ce film dans toute sa richesse et sa complexité, du moins pouvoir passer un bon moment... les défauts qui le rendent éprouvant pour certains ne me semblant émaner que de détestations personnelles qui ne regardent qu'eux.