Alors c'est un film social donc le film m'intéressait, mais le légendaire Les Raisins de la colère m'avait laissé de marbre. Pourtant celui-ci, qui n'est pas dans le registre dramatique que je cherche habituellement dans la thématique sociale (comme dans Le Champion de Vidor ou Je suis un évadé de LeRoy), m'a plu parce qu'il montre de manière assez inédite pour l'époque, je pense, la misère. La misère vu par le prisme de la tragicomédie, du pathétique, du burlesque. Les personnages sont des idiots car ce sont des miséreux, et non des vertueux escaladant la colline avec leur sac de toile.
C'est cette vérité qui est touchante, et moderne — j'ai vu avant-hier le documentaire Belinda qui montre l'évolution d'une jeune fille qui est clairement une beauf, et même aujourd'hui c'est une démarche marginale et osée. J'ai pensé, dans une certaine mesure, à Killer Joe.
Les personnages sont tellement poisseux que j'ai attendu tout le film l'apparition de Gene Tierney, sans m'apercevoir qu'elle était là depuis le début, avec son air hébété et son allure crasseuse. Etonnant pour ce qui deviendra quelques années plus tard l'image de la beauté plastique parfaite.
Voilà pour ce qui est de la matière première, c'est-à-dire le roman d'Erskine Caldwell.
Pour ce qui est de l'apport de Ford, encore une fois je trouve qu'il ne prend aucun risque. Je ne le considère pas comme un artiste. Il pose sa caméra là où c'est le plus commode et lisible et on va pas plus loin.
Pour ce qui est de la direction d'acteurs, elle est remarquable concernant le père, le fils (qui joue dans un registre excessif mais justifié), et la fille jouée par Gene Tierney, qui fait quelques apparitions muettes, mais dont a présence se ressent comme une chatte en chaleur.