Affreux, sales et méchants...
Adaptation non pas directement de l'oeuvre d'Erskine Cadwell mais de la pièce qui s'en inspirait avec un succès tel qu'il entraîna la réalisation de ce film, la route du tabac reprend néanmoins le shéma original du roman, tout en laissant de côté le principal.
Chez Caldwell, que ce soit dans ce roman, dans le petit arpent du bon Dieu, ou encore dans un p'tit gars de Géorgie, ce qui marque avant tout, c'est le mélange improbable mais terriblement logique de truculence désespérée, de dégénérescence pathétique, d'érotisme animal et de misère crasseuse, le tout à l'extrême limite de l'humanité.
Dans la version de Ford, tout se retrouve, mais à petites touches édulcorées, comme s'il aurait fallu au film la barbarie au scalpel d'un Robert Aldrich pour sauvegarder l'âme de l'oeuvre originale.
Un détail par exemple. Le personnage de la fille nymphomane est affublé à l'origine d'un bec de lièvre qui lui défigure le visage, expliquant la répulsion qu'elle inspire, donnant à son érotisme une forme de monstruoité et rajoutant de plus une couche d'immondices sur le crâne de son père, ce dernier promettant régulièrement de lui payer l'opération chirurgicale qui la rendrait plus présentable, mais s'en échappant à chaque fois sous les plus sordides prétextes.
Dans le film, une Gene Tierney de prime jeunesse rend particulièrement inexplicable les tergiversations d'un Ward Bond étonnement chevelu qui s'est un peu fait pour l'occasion le visage de Shammo que je salue au passage.
A force de raboter dans le vice et la crasse, le film devient un peu trop tiède pour moi, même si les aventures de ces pauvres du Sud, joliment filmées en tout cas, se regardent sans déplaisir particulier.