Adapté d’un roman d’Erskine Caldwell et de la pièce de théâtre de Jack Kirkland, ce film de John Ford est un peu dans la veine des Raisins de la colère, mais encore plus sombre et désespéré que celui-ci ; cela tient sans doute à la trame du roman. John Steinbeck, aussi réaliste soit-il, conserve certainement au fond de lui-même une espérance, même ténue, et une vision plus combative que celle de l’auteur du Petit arpent du Bon Dieu, dont le pessimisme apparaît sans limite.
Encore John Ford, en bon humaniste qu’il est, adoucit quelque peu les traits de caractères. Son petit univers de fermiers du Sud, d’anciens fermiers plus que ruinés, reste pathétique, mais on sent percer aussi une certaine tendresse dans la description des personnages, notamment celui de la mère, interprétée par Elizabeth Patterson, résignée, certes, mais conservant malgré tout sa dignité.
Cette lutte, perdue d’avance, pour garder leur terre, les Lester ne pourront la mener à bien. Et comment pourrait-il en être autrement ! La Grande Dépression, la crise de 1929, provoquera bien d’autres ravages. Pourquoi n’allez-vous pas travailler dans les grandes filatures ? Maintenant, nous allons rationnaliser la production de coton ! On connaît la chanson… Les Lester seront balayés et bien d’autres après eux.
Le patriarche (campé par Charles Grapewin), filou, rusé, roublard, cherche par tous les moyens comment il va pouvoir trouver l'argent pour payer le loyer de sa terre qui ne lui appartient plus et qui a été racheté par une banque. Sans illusion, il essaye de gagner du temps, mais il sait qu'il a déjà perdu. Alors, en attendant, quelques navets, quelques épis de maïs, grappillés ici ou là... Un petit festin en perspective et demain sera un autre jour ! J'ai bien aimé ce film de John Ford.
Les paysages sont superbes, le découpage sans temps mort, l’interprétation sans faille (Charles Grapewin, Marjorie Rambeau, Ward Bond, Dana Andrews, etc.). Gene Tierney apparaît assez étonnante dans son rôle de sauvageonne. Enfin, la composition musicale et les chants traditionnels, omniprésents tout au long du film, viennent ajouter une note nostalgique assez remarquable.