Blerta Basholli signe son premier long-métrage, et il s’agit déjà d’un petit événement que de pouvoir visionner un film kosovar d’une telle qualité. Alors que Fahrije tente de faire survivre sa famille en travaillant sur la ruche, elle essaye de croire encore au retour de son mari disparu depuis la guerre du Kosovo. L’œuvre n’était pas nécessairement attendue pour son scénario, qui n’est pas des plus complexes, mais bien au contraire sur la sincérité du regard porté par la réalisatrice.


Se plaisant à filmer près du corps quitte à recourir à la caméra portée, Basholli ne lâche pas son personnage une seconde et capte toutes les émotions qui la traversent. La Ruche est un récit de femme forte, mais également une retranscription fidèle de la place de l’homme et de la femme au sein de la société du Kosovo. Il y a une attention toute particulière sur la photographie, parfois terne qui insiste sur le paysage décrépi et triste d’un pays qui ne cesse de survivre malgré tous les désagréments causés par la guerre, la récession économique et la pauvreté donc.


En une heure et vingt minutes, le récit de deuil et d’acceptation fonctionne très bien et surtout, il n’y avait pas besoin d’en rajouter davantage pour comprendre l’épreuve que traverse cette femme. Il faut bien évidemment saluer la performance de Yllka Gashi, interprétant à merveille cette femme sensible mais raisonnablement lucide sur ce qu’il se passe autour d’elle. Elle mène un combat pour la santé physique et psychologique de ses enfants sans père, et pour sa place au sein de la société. Plusieurs moments sont admirablement bien mis en scène, qu’il s’agisse des avances sexuelles que Fahrije parvient à défaire mais encore au moment de la visite à la morgue. Ce sont des scènes particulièrement difficiles, mais qui en disent long sur le quotidien éprouvant du personnage.


Une fois n’est pas coutume, la Ruche est une belle métaphore de l’épreuve de deuil. Le traumatisme de la guerre est celui du soldat, et du proche. En se concentrant sur une victime-tiers du conflit kosovar, la réalisatrice pose les enjeux considérables de la veuve au sein d’un pays pauvre. Comment survivre sans le pater familias ? Pas respectée, salie et bafouée, Fahrije pourrait abandonner. Mais il n'en est rien, et la femme avance pas à pas comme un soldat sur le chemin d’un combat éternel. Tout cela en si peu de temps, sans ellipses majeures, est exprimé dans ce petit film.


Plus que prometteur pour la réalisatrice.

A retrouver ici : https://cestquoilecinema.fr/critique-la-ruche-un-recit-de-femme-forte/

William-Carlier
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2022 : Une année cinématographique et Les meilleurs films de 2022

Créée

le 1 juin 2022

Critique lue 225 fois

2 j'aime

William Carlier

Écrit par

Critique lue 225 fois

2

D'autres avis sur La Ruche

La Ruche
Cinephile-doux
8

Une affaire de résilience et de solidarité

Quand le premier film de Blerta Basholli, déjà auréolé de 3 prix à Sundance, a été présenté à Pristina, la capitale du Kosovo, il a déclenché des scènes d'émotion collective jamais vues depuis la fin...

le 1 juin 2022

4 j'aime

La Ruche
William-Carlier
7

Un récit de femme forte

Blerta Basholli signe son premier long-métrage, et il s’agit déjà d’un petit événement que de pouvoir visionner un film kosovar d’une telle qualité. Alors que Fahrije tente de faire survivre sa...

le 1 juin 2022

2 j'aime

La Ruche
Freddy-Klein
8

Critique de La Ruche par Freddy Klein

Entre 1990 et 1999, en Europe, à deux pas de chez nous, s'est déroulée une guerre cruelle, civile et fratricide, dont nous avions parfois des difficultés à suivre les péripéties et à appréhender les...

le 16 août 2022

1 j'aime

Du même critique

Athena
William-Carlier
2

L'action c'est bien, la réflexion c'est mieux

Tout droit sorti des cartons Netflix, Athena s’apparente au film de banlieue comme pouvait l’être BAC Nord l’année dernière. Alors que le soldat Abdel peine à se remettre de la mort de son frère,...

le 26 sept. 2022

50 j'aime

6

Frère et sœur
William-Carlier
1

Et... ta mère aussi !

Il n’est jamais agréable de constater le piètre jeu d’un acteur que l’on apprécie, surtout lorsqu’il est dirigé par un auteur. Le film d’Arnaud Desplechin est une souffrance constante, paralysée par...

le 23 mai 2022

37 j'aime

3

Black Panther: Wakanda Forever
William-Carlier
2

Pour les enfants

Il n'était pas possible d'attendre quoi que ce soit de ce deuxième volet du déjà très oubliable Black Panther, pour la simple raison qu'il n'y avait encore rien à ajouter à la matière très fine de...

le 20 nov. 2022

20 j'aime

1