Ce chef-d'œuvre illustre parfaitement l'idée de Chaplin selon laquelle tragédie et comédie vont de pair. Cette double inspiration lui est venue après qu'il eut découvert des vues stéréoscopiques des privations des prospecteurs durant la ruée vers l'or au Klondike avant le tournant du siècle et lu un ouvrage sur la catastrophe de l'expédition Donner (1846) : des immigrants perdus dans la neige au milieu de la Sierra Nevada avaient été contraints de manger leurs mocassins et les cadavres de leurs camarades.
A partir de ces thèmes plutôt sombres, Chaplin tire des effets comiques de haut niveau. Devenu chercheur d'or, Charlot se joint à ses hommes aussi braves qu'optimistes, prêts à affronter tous les périls, le froid, la faim et la solitude, voire la rencontre occasionnelle avec un grizzly.
Superproduction coûteuse, La Ruée vers l'or diffère des autres films de Chaplin, parce qu'il ne se situe pas dans un environnement urbain. Il n'y a donc pas de critique sociale pure, mais plutôt une condamnation plus générale de l'avidité de l'être humain, sa cupidité, un regard cruel sur les motivations amoureuses, ainsi qu'une réflexion sur cette peur viscérale de la misère et de la solitude.
Le tout est d'une cohérence incroyable, d'une fluidité narrative parfaite, rondement mené et subtilement équilibré.
Ajouté à cela des scènes sublimes comme la transformation de Charlot en poulet ou la danse des petits pains (entre autres) à jamais inscrites au panthéon du cinéma, et on obtient ici sans doute la meilleure œuvre de Chaplin. Lui-même déclara souvent, à la fin de sa vie, que ce film était celui dont il souhaitait qu'on gardât en mémoire.
En 1942, Chaplin ré enregistrera la musique du film, ainsi qu'un commentaire en voix-off. Je te déconseille bien évidemment cette version qui est juste superfétatoire.