"La ruée vers l'ouest" est un western d'Anthony Mann qui n'eut pas un grand succès à sa sortie en 1960.

Les critiques de l'époque le mettent en perspective avec une première version faite en 1931 par un certain Wesley Ruggles ; comme je ne la connais pas, il m'est difficile d'en juger. D'autres critiques mettent en avant la longueur et les prestations des acteurs.

Je pense qu'il est peut-être temps d'essayer de réhabiliter ce film.

Personnellement, je dirais qu'on peut avoir deux lectures de ce western qui raconte une tranche de l'histoire des Etats-Unis entre 1889 (date de l'ouverture de l'Oklahoma aux pionniers) et 1914 (le conflit mondial). Ces deux lectures peuvent conduire à des appréciations assez différentes.

La première lecture, c'est l'histoire et l'aventure du héros, Yancey Cravat qui se sent à la fois un pionnier et un idéaliste, qui n'aura de cesse d'être de tous les combats, de toutes les luttes contre l'injustice et la ségrégation. Son honnêteté intellectuelle, son refus des compromissions lui font refuser tout arrangement, toute facilité qui améliorerait le train de vie de sa famille. La "mission" de Yancey transcende sa vie familiale et l'amour entre Yancey et sa femme Sabra. Il y a bien une cohérence du scénario.

La deuxième lecture est le "coût" humain que représente cet idéalisme qui conduit Yancey à abandonner sa famille afin de répondre à d'autres priorités. On serait tenté de s'interroger sur l'utilité de se marier et fonder une famille si c'est pour la laisser en plan à la première occasion. Du coup, cette façon de regarder le film le rend bancal puisqu'en fait le héros disparait physiquement quasiment vers la moitié du film. La suite du film devient l'histoire de l'épouse, Sabra, qui se dépatouille comme elle peut avec son gosse et grâce à de fidèles amis connus lors de la "ruée" et qui ont fait leur chemin.

Personnellement, je me suis contenté de la première lecture afin d'apprécier le caractère épique du film où les pionniers de la Ruée évoluent, se transforment et rebondissent à travers les épreuves pour finalement "construire" le pays. Bien sûr, c'est hyper américain cette façon de voir car on finit toujours par triompher des épreuves même si on laisse quelques plumes dans la réussite. Bien sûr, Anthony Mann se refuse à la candeur ; il montre (dénonce) un racisme latent anti indien ou même antisémite contre lequel Yancey ne parvient pas à gagner (scène du lynchage, du renvoi de la petite fille indienne de l'école) ; mais en même temps, Anthony Mann se refuse à baisser les bras (la petite fille indienne devenue grande se marie avec le fils de Yancey)

Côté casting,

Le rôle de Yancey est confié à Glenn Ford qui joue très bien ce personnage complexe qui est à la fois sincèrement amoureux de sa femme Sabra mais qui ne peut s'empêcher de répondre aux appels au secours quitte à laisser sa famille.

Maria Schell interprète le rôle de Sabra, l'épouse de Yancey , femme de pionnier, courageuse et généreuse. Là encore, la critique me semble dure avec son jeu que j'ai trouvé à la fois empreint d'une belle émotion et extrêmement digne. Son personnage dans la deuxième partie se refuse à être considérée comme une pionnière (au sens premier du mot) ; il n'empêche qu'elle en est l'âme.

Il est certain qu'il y a des westerns et films plus percutants, dans la filmographie d'Anthony Mann avec "Winchester 73", par exemple. Mais personnellement, je trouve cette fresque ou cette épopée très attachante. Je pense notamment à cette belle scène entre Maria Schell et Ann Baxter dans le Social Club qui se révèle très positive pour le devenir du personnage de Sabra. Oui, je pense qu'il est temps de réhabiliter ce beau western.



JeanG55
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le 28 juin 2022

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