Je vais être franche : je considère ce film comme un chef-d'oeuvre de subtilité et d'intelligence, dont l'avant-garde est à saluer. Je regrette qu'on ne fasse plus d'aussi jolis films aujourd'hui (certes, on pourra rapprocher celui-ci de Carol, qui, à certains égards, possède une sensibilité similaire, ou plus récemment de Portrait de la jeune fille en feu... mais je n'ai pas beaucoup d'autres exemples en tête).
L'histoire déchirante de la question du tabou de l'homosexualité dans un foyer pour jeunes filles en 1960, d'un certain ménage à trois qui marche du tonnerre (Hepburn / Garner / MacLaine... quelle jolie alchimie !), des mauvais comportements d'enfants vicieuses élevées dans une rigueur qui les ennuie et les pousse au commérage, le déchirement de la rumeur, des non-dits et des trop dits, et leurs conséquences désastreuses, dévastatrices, et en l'occurrence, tragiques...
Le film est construit comme une catabase : on passe de l'image heureuse d'un pensionnat dont les deux jeunes détentrices semblent épanouies et radieuses, à la fourbe irruption du maillon qui va tout perturber - une des jeunes filles dudit foyer, excellemment interprétée là aussi. De là découle évidemment cette véritable descente aux Enfers pour les protagonistes, qui n'en restent pas moins fidèles à leurs positions, humbles dans leurs souffrances respectives ou dans leurs attitudes mégères, jusqu'à ce que l'inéluctable fatalité vienne tout bousculer... J'aime particulièrement ces films au charme qui peut sembler désuet mais qui n'a en vérité pas vieilli, à l'intrigue léchée, la réalisation simple et efficace, avec ce noir et blanc, cette ambiance années soixante, ces petites musiques qui viennent acclimater la tension et épousent parfaitement les situations... Un film magnifique et bouleversant, prenant et maîtrisé, pour une thématique si difficile à aborder à l'époque, traitée ici avec justesse, simplicité et subtilité - il fallait oser ! Politique sans trop prendre parti non plus, dénonçant comme il le faut, les conséquences abominables des considérations d'esprits étriqués, la souffrance individuelle et collective, le difficile rigorisme qu'on s'inflige parfois à soi-même à cause d'une société qui opprime et interdit...
Beaucoup de scènes sont magnifiques, tant dans le jeu que dans la réalisation : pour moi c'est un sans faute du début à la fin, et les acteurs ne rendent le tout que plus vivant, plus touchant, plus douloureux aussi... Il n'y avait rien en trop, beaucoup de suggestions qui, je me répète, sont à louer pour l'époque. Un film magnifique, superbement porté, qui dit tellement, dans sa simplicité et sa délicatesse... J'en ressors juste et ne sais pas quoi dire de plus, si ce n'est qu'il s'agit vraiment d'un coup de coeur. Sublime.