Les salles de cinéma françaises n'ont peut-être pas ouvert leurs portes aux premiers longs-métrages de İlker Çatak, elles réparent cette erreur avec son dernier film, La salle des profs. Effet Oscars suite à sa nomination parmi les productions étrangères ? Possible, quoique les multiples récompenses au Deutscher Filmpreis en 2023 étaient déjà de très bons signaux pour conquérir le marché hexagonal. On ne s'y est pas trompé car sous ses oripeaux de projet militant, Çatak transforme l'objet en pur thriller. De haute volée.
L'expérience de Carla Nowak (Leonie Benesch, extraordinaire), jeune enseignante au sein d'un collège, sera la notre. Du genre à laisser des traces. Fort d'un montage serré, le long-métrage ne quittera pas l'établissement scolaire. Lieu où tout va se jouer. Pour les élèves, pour l'équipe éducative, pour Carla. Nous serons les témoins privilégiés d'un cours magistral où la notion de bien-fondé ou réponse proportionnée seront jugés à l'aune des conséquences qu'elles vont engendrer. De la simple divergence d'opinion entre collègues à l'application de directives qui la dépasse, de l'accusation pour vol à la mise au ban, l'enseignante apprend à ses dépens que le plus petit évènement peut s'ajouter au poids sur ses épaules au moindre faux pas. La Salle des profs parvient à transformer l'anodin en suspect au point de réviser le jugement sur les tentatives supposément raisonnables, mal pensées ou carrément instrumentalisées. L'escalade est à la fois rocambolesque (l'interview pour le journal du collège, qui renverse les rôles) et effrayante, d'autant que le groupe scolaire dont nous observons la décomposition n'est qu'un moyen évident pour livrer un peinture sociétale où le racisme larvé, les pressions sociales et l'instrumentalisation pressurisent autant les enfants que les adultes. On est presque soulagés de pouvoir prendre l'air après 1h40. Comme Carla, ses élèves et ses collègues, on aurait pu aisément hurler pour lâcher un peu de lest.