Le supplice de Tantale
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le 9 oct. 2018
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Eric Khoo est un réalisateur singapourien né en 1965, également producteur et scénariste. Il commence sa carrière cinématographique au début des années 90 avec quelques courts métrages, dont certains sont les premiers films singapouriens représentés dans des festivals internationaux. C’est avec ces 2 longs métrages Mee Pok Man et 12 Storeys réalisés respectivement en 1995 et 1997 qu’il va s’imposer comme un des réalisateurs asiatiques prometteurs. Ceci se confirme d’ailleurs avec Be With Me en 2005 sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes.
Il y a 2 ans, j’avais loupé de peu son nouveau film, Hotel Singapura, dont l’affiche et la bande-annonce m’avaient attiré. Cependant, les multiples retours que je pus percevoir et recevoir étaient en moyenne mitigés voire mauvais.
La Saveur des Ramen est ma première expérience avec ce réalisateur. Je n’avais pas de véritable attente vis-à-vis du film, mais cela ne m’a pas empêché de quitter la salle plutôt déçu.
Masato est un jeune chef de Ramen au Japon. A la suite du décès de son père, également cuisinier, il décide d’entreprendre un voyage à Singapour, endroit où il est né et où ses parents se sont rencontrés. Il veut y retrouver le goût des plats que sa mère lui cuisinait quand il était enfant. Durant ce voyage, il découvre des secrets familiaux profondément enfouis. Trouvera-t-il la recette pour réconcilier les souvenirs du passé ?
Le premier et majeur problème à soulever pour moi est un problème de scénario. Comme dit juste avant, à travers ce voyage, il va découvrir des problèmes familiaux qui correspondent en réalité à des problèmes ethniques historiques datant de la seconde guerre mondiale et donc générationnels. Si cela reste un sujet très intéressant par rapport à l’héritage culturel ainsi que le devoir de mémoire, le problème est que cet évènement arrive au bout de 50 minutes, une heure de film sur un film d’une heure trente. Cela résulte alors que pendant environ 45 minutes, après la mort du père et son arrivé à Singapour, nous n’allons nulle part. Le film stagne et ne prend aucune direction. On suit Masato aller de restaurant en restaurant, essayant de chercher son oncle, mais surtout manger, le film alors donnant plus faim qu’autre chose.
Dans l’idée, cela ressemble beaucoup au manga Le Gourmet Solitaire de Jiro Taniguchi sorti en 1997, où nous suivons un homme se balader dans le Japon et de restaurant en restaurant. Le récit sert principalement à visiter le Japon des années 90 ainsi que la gastronomie japonaise. La différence entre les 2 œuvres repose surtout sur la place que possède la nourriture, là où dans Le Gourmet Solitaire elle accompagne le récit, elle sert uniquement de résolution scénaristique dans La Saveur des Ramen.
Si on peut croire qu’actuellement je me plains d’une absence de dramaturgie, ce n’est pas le cas. Chez Richard Linklater, dans des films comme Everybody Wants Some ou encore Boyhood, cette absence est maîtrisée par rapport à la forme, l’histoire même ainsi que les acteurs qui emmènent leur personnage vers quelque chose de plus fort que la dramaturgie même. Ce sont des films qui traitent sur l’humain et qui sont, par logique, très humains, rendant le tout très empathique et attachant. Dans l’œuvre d’Eric Khoo, au contraire, nous sommes complètement distants de ce qui arrive à l’écran à cause de personnages froids dans leur émotion et par certaines reprises d’un rythme assez bâtard si j’ose m’exprimer ainsi.
Ainsi, on semble errer sans but, en se demandant vers où le film va nous amener et comment va-t-il se terminer, ou si même celui-ci va avoir une fin.
A côté de cela, la mise en scène du film semble souvent peu inspirée et également très peu dynamique. Elle arrive parfois à s’auto-handicaper notamment avec les flashbacks. En effet, ceux-ci sont très lumineux avec des couleurs désaturées, le pur cliché du flashback. Et dans ce genre de films qui ne semble pas propice à ce genre d’artifice, cela a tendance à plomber le récit plutôt que d’amener des informations ou créer de l’empathie avec le protagoniste.
Même si par moment certains cadres et la photographie sont recherchées et appréciables, La Saveur des Ramen déçoit par rapport son manque cruel de mise en scène et de dramaturgie par rapport au sujet qu’il cherche en réalité à traiter. A voir ce qu’Eric Khoo nous réservera par la suite, en espérant que ce soit plus plaisant que celui-ci.
Créée
le 14 oct. 2018
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