"La Soif du Mal" est un film noir tordu, douloureux, aux personnages fracassés et à l'intrigue désespérante, servi ou desservi (c'est selon les goûts) par l'expressionisme de la mise en scène d'un Orson Welles encore plus "wellesien" et expérimentateur que dans ses premiers chefs d’œuvre : utilisation réaliste de la musique, traitement de la parole, usage d'un grand angle qui façonne un monde à l'image de son personnage principal, un policier inadapté, incapable de faire respecter la justice institutionnelle. L'intrigue "policière" est elle-même savamment déconstruite par un montage parallèle qui défait les liens entre les personnages, perdus dans le dédale d'un no man's land frontalier, espace fantasmatique et projection mentale plutôt que paysage urbain : "la Soif du Mal" a tout de l'expérience ultime pour le spectateur. [Critique écrite en 2000]