Avec La Soif du mal, Orson Welles revient au film noir après une première incursion dans le genre pour La Dame de Shanghai. Mais à la différence de ce dernier, on retrouve dans La Soif du mal toute l'inventivité et la richesse de mise en scène de ses deux premiers films Citizen Kane et La Splendeur des Amberson. C'est le mariage parfait entre les deux mondes, le film noir et la mise en scène flamboyante d'Orson Welles.


Le film démarre sur un prodigieux plan séquence qui va suivre deux actions au niveau de la frontière mexicaine. On suit un policier haut gradé mexicain incarné par Charlton Heston (aka Mike Vargas) et Janet Leigh qui joue son épouse Susan Vargas, tous deux en partance pour un voyage de noce. En parallèle la caméra suit également un homme d'affaire et sa maitresse, qui montent tout deux dans une voiture piégée avec de la dynamite, traversent la ville mexicaine et franchissent la frontière ... et puis boum, l'explosion. Mike va devoir alors mener l'enquête en compagnie du chef de police local incarné par le monstrueux (dans tous les sens du terme) Orson Welles (aka Hank Quillan).


Très vite Susan et Mike vont devoir se séparer pour le besoin du récit et de l'enquête, Susan se retrouvant seule dans un motel, en attendant le retour de Mike parti enquêter avec Hank. La richesse des personnages, tous plus excentriques les uns des autres, la narration éclatée en différents lieux, la mise en scène ... tout m'a rappelé Pulp Fiction de Tarantino. L'ami Quentin est décidément le roi des emprunts et des citations cinématographiques. Et comme Quentin, Orson Welles est un réalisateur qui aime s'essayer à un film de genre, ici le film noir, pour le transcender par sa mise en scène. Pas un seul plan n'est minutieusement pensé, que ce soit un plan séquence, un champ-contrechamps, un plan fixe ou en mouvement, mais la caméra est toujours stable (faisant penser à un steadycam avant l'heure). Une telle richesse de mise en scène, si complexe à exécuter et à mettre en place, c'est une véritable prouesse technique pour l'époque.


Le principal intérêt du scénario est de suivre la confrontation entre Charlton Heston et Orson Welles. Mike est un flic droit et honnête qui incarne l'Amérique progressiste, même s'il est mexicain pour les besoins du scénario. Face à lui, Hank est un flic compétant, mais tyrannique, qui n'hésite pas à fabriquer de fausses preuves pour condamner les criminels. Mike incarne le présent et l'avenir, tandis que Hank incarne le passé. Hank est un personnage fascinant, bien plus intéressant que Mike.


On dit d'un polar, que le film n'est jamais aussi bon que son méchant et La Soif du mal ne déroge pas à la règle. Hank est un flic détestable, obèse et ancien alcoolique, impulsif et véreux ... un flic pourri jusqu'à l'os, mais à l'intuition remarquables. C'est donc un personnage plus ambigu qu'il n'y parait au premier abord, un policier qui a perdu sa femme victime d'un crime (la seule affaire qu'il n'a jamais résolu), un policier qui a la haute réputation de ne jamais abandonner l'enquête et laisser un crime impuni, un policier qui a une relation passée et mystérieuse avec une gérante du bordel local (Marlène Dietrich) ... un personnage en tous points fascinant, quoi !


Bref, La soif du mal est un magnifique hommage au cinéma, un film qui brille de mille feux par sa mise en scène et par la richesse de ses personnages. Orson Welles a voulu tout donner pour ce film et c'est ce qu'il a fait !

Créée

le 13 août 2021

Critique lue 458 fois

13 j'aime

22 commentaires

lessthantod

Écrit par

Critique lue 458 fois

13
22

D'autres avis sur La Soif du mal

La Soif du mal
pphf
8

« Je dois tourner un thriller chez Universal, avec Charlton Heston en Mexicain … » *

*Tim BURTON – « Ed Wood » (propos prêtés à Orson Welles, interprété par Vincent d’Onofrio, lors de sa rencontre avec Ed Wood dans un bar de Hollywood) Au reste les autres principaux rôles de «...

Par

le 4 mai 2014

62 j'aime

11

La Soif du mal
reno
10

Critique de La Soif du mal par reno

Le plan-séquence chez Welles a une double fonction dans son déroulement d'abord et dans son interruption ensuite. Classiquement le plan-séquence traduit l'écoulement du temps sans solution de...

Par

le 8 févr. 2012

59 j'aime

12

La Soif du mal
Kalian
10

Critique de La Soif du mal par Kalian

Avant de voir ce film, ma connaissance d'Orson Welles se résumait à une œuvre, Citizen Kane. Si elle est considérée par beaucoup comme l'une des meilleures pellicules de l'histoire du cinéma, les...

le 15 août 2010

50 j'aime

6

Du même critique

Le Cercle rouge
lessthantod
8

Et n'oubliez jamais ... tous coupables !

Le cercle rouge est le douzième et avant dernier film de JP Melville et c'est un film que beaucoup considèrent encore aujourd'hui comme son chef d'œuvre absolu. C'est aussi un film qui a marqué les...

le 15 août 2021

42 j'aime

21

Terminator
lessthantod
9

De l'action, toujours de l'action et rien que de l'action

Terminator c'est un monument des années 80 et du film d'action/science-fiction, un film culte et sans doute le meilleur de la saga et le meilleur film de James Cameron. Bien que commençant...

le 20 juin 2021

40 j'aime

20

Kaamelott - Premier Volet
lessthantod
7

À un moment, il monte à une tour ...

Sorti en 2021 et réalisé par Alexandre Astier, Kaamelott - Premier Volet est le potentiel premier volet de la trilogie de films qui fait suite à la série Kaamelott, douze ans après le Livre VI. Alors...

le 22 juil. 2021

39 j'aime

28