SUBLIME FORCEMENT SUBLIME
Au départ banale histoire de série noire, Welles en fait une fable convulsive et ténébreuse, menée à un rythme d’enfer, conférant une virtuosité presque sans égale à la mise en scène.Du fameux plan à la grue qui ouvre le film, et joue sur toute la gamme de l’illusion cinématographique (profondeur de champ anormale, distorsion de l’espace etc), jusqu’à l’assaut final, dans un étranger décor de terrain vague, de poutrelles et d’eau croupie, nous baignons dans un monde de pure cauchemar, étonnamment restituée par une caméra omniprésente, d’une souplesse protéiforme, qui ne s’accorde aucun répit.Cette noirceur sans possibilité de rachat est encore accentuée par le personnage de Welles lui-même qui incarne avec une sorte de conviction monstrueuse et fascinante le personnage du « salaud ».Il y a sans doute du Shakespeare là-dessous : Quinlan n’est pas loin de Macbeth et son âme damnée Menzies de Iago.L’injustice et la trahison sont « dans leur caractère ».D’où un certain malaise qui tend à ébranler les certitudes morales du spectateur.Peut-être bien le chef-d’oeuvre d’Orson Welles.