Tony Richardson a su créer un langage cinématographique original, réussissant ainsi à franchir l'écueil de la morne, car trop fidèle, adaptation littéraire au cinéma.
Ainsi l'excellent montage de la scène finale où au long de sa course folle surgissent dans un vertige sensible des images-souvenirs, souvent traumatisantes et à forte charge significative, de visages grotesques et menaçants filmés en contre-plongées, d'agressions sonores hors-champ, de violence physique et sociale, ... ; les analepses simplement mais efficacement amenées afin d'expliquer l'origine du mal; les surprenants et "dédramatisants" accélérés inspirés du cinéma muet, accompagnés de bruitages comiques; etc... tous ces éléments concourent à justifier le talent et l'ingéniosité indéniables du cinéaste.
Cependant, même si la superbe scène finale est riche de significations et démontre la complexité existentielle (quel projet de vie choisir?) où se trouve ce fils d'ouvrier, pris en pleine lutte des classes dans le dilemme: s'extraire de sa misère sociale ou franchir la ligne qui le sépare de la bourgeoisie et de ses mirages matériels; devenir lui-même ou s'effacer au profit du groupe; rester fidèle à son passé ou oser l'avenir; le reste du film pâtit d'une réflexion assez stéréotypée, de flashbacks parfois trop longs venant briser la fluidité diégétique sous prétexte de brosser un portrait détaillé du personnage, mais hélas plutôt caricatural - tout du moins, pour nous, lointains descendants de la civilisation industrielle, déjà dépassée dans notre course effrénée vers un futur sans mémoire.