Zampano ! Zampano !
La voix de Gelsomina m'envoûte. Pas vous ?
Tenez-vous bien, vous êtes sur le point de me voir vous dire que j'aime le cinéma qui a une chair. Voilà, c'est fait, porte ouverte enfoncée. Et si vous voulez bien encore une fois me voir venir : la Strada a une chair. Ouais, c'est organique, incarné, on filme du réel. C'est bon, c'est dit.
Mais il y a quelque chose de plus dans l'art de ce gars. Le Fou et son foutu caillou sont à mon avis une belle métaphore de ce truc-en-plus fellinien : tout a une âme. Tout est matière oui, ça c'est la grammaire de base d'un cinéma que j'aime on va dire, on peut l'exprimer ainsi, mais y a autre chose.
D'autres auront pu voir ça comme de l'abstraction, comme de l'inorganique, je l'ai lu à propos de ce film. Celui-ci ne serait pas concret, il serait déconnecté. Mais je crois que c'est pas qu'il n'y a pas de concret ou pas de viande. Le jeu de Gelsomina n'est pas qu'un symbole allégorique ou autre artifice stylistique qui serait pur esclave narratif d'une thématique ou d'un propos. Tout n'est pas que message dans la Strada. Métaphore de l'enfance blablabla. Réveillons-nous les yeux : la matière est là, le vrai profond est là, le cinéma est là. Ce qui peut troubler la vision du spectateur aux paupières lourdes, c'est surtout qu'il y a ce truc par-dessus. C'est une autre couche, un flux, une énergie, un machin électrique sur les choses et entre les choses. Une âme, autorisons-nous ce jargon ! M'enfin c'est quelque chose, quoi ! C'est pas flou, c'est pas abstrait, c'est juste beau !
Ça vous colle aux fesses du cerveau, ça vous lâche pas aussitôt que « Fine » s'affiche, ça vous hante pendant des jours. Fellini c'est vivant et même un peu plus.
Zampano ! Zampano !