En lisant certains commentaires sur Allociné et ici-même concernant la complexité de La Taupe, c'est sans conviction et sans trop d'envie que je me suis lancé dans cette séance de cinoche. Je craignais le pire, mais au final il n'en est rien : le nouveau long métrage de Tomas Alfredson est une véritable leçon de cinéma et se révèle être un des meilleurs films d'espionnage depuis belle lurette.
S'il est construit effectivement sous forme de puzzle, dont les fragments sont à rassembler petit à petit par le spectateur, l'ensemble est d'une cohérence remarquable. Malgré une multiplicité des intrigues, des lieux et des personnages, on ne lâche jamais prise et on souhaite toujours en savoir plus. Mieux que ça : on en ressort épanoui.
Si l'histoire est centrée autour d'une taupe intégrée au sein du MI6, la finalité n'est pas tant de connaitre son identité, mais plutôt de savoir de quelle manière elle a été démasquée. Si le rythme général, on doit le reconnaître, est très lent voire figé (ça traîne quelque fois un peu des pieds), le réalisateur revisite complètement le procédé du suspense grâce à une mise en scène qui force le respect. Le spectateur est alors au garde-à-vous, l'intellect en ébullition, et attend impatiemment le fin mot de l'histoire.
Exit les fusillades, attentats, poursuites à pieds ou en voiture à la James Bond ou Jason Bourne : Alfredson fait le choix remarquable de se dépouiller de toute scène d'action. Les face-à-face qui se multiplient entre grands acteurs (Oldman, Firth, Hurt, Hardy, Strong) sont de véritables morceaux de bravoure et laissent place à des dialogues de très grande qualité : ils représentent la colonne vertébrale d'une enquête passionnante en pleine Guerre Froide.
Si Alfredson passe parfois trop de temps selon moi à nous expliquer certaines situations que l'on avait déjà cernées, on ressort du film avec l'agréable impression d'avoir gagné en Q.I. Un réalisateur qui se soucie de l'intelligence du spectateur ne peut pas être foncièrement un mauvais réalisateur. Il est même capable d'en faire de très bons films. La Taupe en est la preuve formelle.