Ce qui frappe de prime abord au visionnage de La Tendre Indifférence du monde c’est la beauté contemplative des plans. En effet, Adilkhan Yerzhanov nous embarque dans un tableau, un récit parfois fantastique qui réussit à dépeindre les problématiques d’un pays, les conditions sociales des personnages et les tensions nouées au sein de leurs relations.
Ces plans ne sont cependant pas uniquement esthétiques. Ils permettent avant tout de mettre en place la trame de l’histoire et de la tragédie qui va se dérouler. Une fleur blanche maculée de sang ouvre le film et annonce la couleur. Saltanat et Kuandyk, les personnages principaux ne vont avoir de cesse de se débattre, seuls, sans parvenir à échapper à leurs destins. On est touchés par l’innocence que ces amoureux inavoués tentent de conserver par le biais de la littérature, du dessin, en bref, de la culture et de l’art en général. Ces personnages vivent des situations très dures mais sont pourtant embarqués dans une magie quotidienne qui hélas, va s’estomper peu à peu en même temps que leur espoir.
Ce qui est intéressant dans cette œuvre c’est sa façon de mettre en lumière et en parallèle de nombreux éléments. La ville s’oppose à la nature par des éclairages artificiels, froids, bleutés. La ville s’enfonce dans un capitalisme peuplé de personnages tous plus grotesques et absurdes les uns que les autres comme sortis d’une mauvaise fable. Au contraire, la nature quant à elle est plus symbole d’innocence, de sérénité. La lumière est naturelle, les sons se font doux, moins oppressants. Elle permet aussi à Adilkhan Yerzhanov d’exprimer le côté violent enfoui et refoulé des personnages qui parcourent son histoire.
Néanmoins, on ressent que par instant le long métrage cherche à en dire beaucoup, beaucoup trop. La volonté du réalisateur de parler d’une multitude de sujets est intéressante, mais certains de ces thèmes ne sont abordés que partiellement. C’est le cas notamment de la condition féminine qui aurait nécessité un traitement plus en profondeur.
La condition sociale de ces personnages reste décrite avec une grande justesse ainsi qu’une grande subtilité par le cinéaste. On comprend immédiatement leur rapport à la nature, essentiel voir primordial. La vie simple qui les attendait s’effondre lorsque le père de Saltanat se suicide, criblé de dettes. L’industrialisation, la ville frappe à leur porte et se fait très pressante. C’est pour cela que les personnages y succombent, lentement, avant un dernier retour brutal et tragique à la nature.