Le vent balaie la prairie.
Une femme parmi les grands tournesols.
Sous le pommier le vieil homme meurt entouré de ses compagnons attristés, un sourire aux lèvres.
Son ami lui demande de lui faire un signe depuis l'enfer ou le paradis, pour lui dire s'il y est bien. Le vent dans la prairie lui répond.
D'autres réclament pour lui des honneurs. Il se redresse et réclame une pomme, qu'il mange à pleines dents.
Les enfants jouent au milieu des fruits. L'enfant mange une pomme.
Le vieil homme se rallonge. Son travail est terminé, il s'est assuré de la continuité d'un geste essentiel. De la perpétuité essentielle.

Le jeune homme est mort. Son visage est balayé par les fleurs des tournesols et les branches des pommiers lors de la procession qui mène son corps au cimetière.
Plus tard on fera un discours politique sur sa mort, un pope maudira les mécréants.
Le ciel vide ne secourra ni les uns ni l'autre. Le vent continue de balayer la prairie.
Et la pluie de tomber sur la nature généreuse et sur la Terre fertile, sur ses fruits abondants et sur les grands tournesols.
Et clore ce long poème en hommage à cette Terre travaillée et servile, à cette nature et à ceux qui y vivent.

Entre temps il se sera passé des choses bien insignifiantes, des luttes absconses entre ceux qui veulent pour leur compte et ceux qui veulent pour tous, ce qui n'est à personne.
Un homme aura été tué pour cela, qui dansait.
On aura beaucoup parlé pour dire ce qui n'était pas important. On a voulu fêter l'arrivée de la machine, on a célébré la mort.
Face à la Terre couché se dresse la civilisation des pylônes. De là vient le meurtre qui n'est pas la mort.
Le vieil homme est emporté par la mort, le jeune homme est tué par le meurtre.

Point ici de politique ni de métaphysique, de discours ni de pensées. Seulement des corps qui dansent, qui courent, qui tombent ; seulement des visages qui rient, qui crient, qui pleurent. Si on filme la vie, il faut la filmer éminemment. Or de quoi s'agit-il d'autre ici si ce n'est filmer à travers les naissances et les morts, les rires et les larmes, les souffrances et les joies, les corps qui dansent contre les corps qui courent ; de quoi s'agit-il d'autre que célébrer la persévérance panthéiste d'une vie prodigieuse et multiple, la beauté d'un cadre et de ce qui s'y développe, sous le vent, le soleil ou la pluie, hommes, vaches et chevaux, pommes, courges et tournesols !
reno
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le 11 mai 2012

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reno

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