Être éleveur en 2020 c'est déjà une montagne de problèmes, mais être jeune éleveuse, c'est la double-peine. C'est en assistant à une vente de bœufs que Naël Marandin s'est rendu compte que sur les soixante-dix négociants, il n'y avait que deux femmes : la tenancière de la buvette et la secrétaire. Discréditées aux yeux des hommes qui exercent le métier traditionnellement, les femmes sont ici remises à l'honneur au travers de Constance, jeune éleveuse qui ne compte pas regarder son exploitation crouler sous les dettes, aidée par son fiancé bientôt concrétisé mari, mais cette dernière va tomber sous l'emprise de son supérieur qui gère les dossiers d'aides... Le film est ainsi défendu par un cinéaste qui envie de partager toute son expérience sur le sujet (il a longtemps été accompagnateur des dépôts de plaintes pour viols, ce qui lui a permis de construire l'histoire de Constance sans tomber dans les clichés habituels). De même que l'on sent les consultants éleveurs qui ont participé au projet, faisant de La Terre des Hommes un film résolument bien léché et intelligent. On pourra lui reprocher les scènes que l'on croise dans tout drame social français (scènes de nus entre les héros, disputes déchirantes...), ce qui nous intéresse moins que le propos du malêtre paysan, un sujet toujours bon à défendre. Les acteurs sont plutôt convaincants, le final est réconfortant, et quelques scènes font échos à des moments forts de la vie des agriculteurs (la très jolie scène où Constance traverse les étables vides, l'air un peu mélancolique au lendemain de la mise à l'abattoir de ses bêtes, que l'on comprend instantanément). Un drame très perspicace sur l'impasse sociale qui touche bien des éleveuses.